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10.3.1 Tumeurs des nerfs périphériques
Matthieu PEYRE

Questions
1) Relier chaque tumeur des nerfs périphériques au syndrome de prédisposition tumoral associé
1) Tumeur hybride des nerfs périphériques | A) Schwannomatose liée à NF2 |
2) Neurofibrome | B) Neurofibromatose de type 1 |
3) Schwannome | C) Maladie de von Hippel-Lindau |
4) Tumeur maligne de la gaine des nerfs périphériques | D) Schwannomatose non liée à NF2 |
2) Parmi ces éléments cliniques, lesquels doivent vous faire évoquer une tumeur maligne des gaines des nerfs périphériques ?
a) Douleur spontanée
b) Douleur à la palpation
c) Déficit sensitif pré-opératoire
d) Déficit moteur pré-opératoire
e) Neurofibromatose de type 1
3) Quel sont les risques opératoires liés à la chirurgie d’une tumeur des nerfs périphériques ?
a) 50% de risque de douleurs résiduelles
b) 20% de risque de déficit sensitif
c) 40% de risque de déficit moteur
d) 2% de risque de récidive
4) A partir de combien de schwannomes périphériques détectés chez un patient doit-on évoquer une schwannomatose sous-jacente ?
a) 2 schwannomes
b) 2 schwannomes non intra-dermiques
c) 3 schwannomes
d) 4 schwannomes
4) Quel est le bilan pré-opératoire d’une tumeur des nerfs périphériques ?
a) Electromyogramme
b) IRM centrée sur le schwannome
c) Echographie centrée sur le schwannome
d) Biopsie pré-opératoire
Introduction
Les tumeurs des nerfs périphériques sont rares, représentant 1% des tumeurs des parties molles. Les schwannomes, autrefois appelés neurinomes ou neurilemmomes, représentent 70 à 80% des tumeurs des nerfs périphériques et sont des lésions bénignes, qui peuvent survenir de façon sporadique ou dans le cadre d’un syndrome de prédisposition génétique (Schwannomatoses). Les neurofibromes constituent la seconde tumeur la plus fréquente des nerfs périphériques et peuvent être sporadiques ou plus fréquemment retrouvés dans le cadre de la Neurofibromatose de type 1. Il existe enfin de très rares tumeurs des nerfs périphériques parmi lesquelles les périneuriomes, les tumeurs glomiques et les lipomes.
La prise en charge thérapeutique des schwannomes et neurofibromes est bien codifiée, fondée sur la chirurgie d’exérèse des tumeurs croissantes et/ou symptomatiques, avec des résultats globalement favorables.
Définition et épidémiologie
Les schwannomes sont comme leur nom l’indique développés aux dépens des cellules de Schwann qui composent la gaine des fibres nerveuses. Un schwannome est développé à l’intérieur de l’épinèvre, aux dépens d’un très petit nombre de fascicules superficiels du nerf, la majorité de ces fascicules étant repoussés par la tumeur. De par sa nature, le schwannome peut donc être retiré de la gaine épineurale sans blesser la majorité des fascicules et donc sans altérer la fonction du nerf. L’âge moyen de découverte se situe essentiellement entre 40 et 50 ans et le sex-ratio est voisin de 1, avec toutefois une discrète prédominance masculine (1). Si l’on prend en compte 3 des plus grandes séries publiées de schwannomes sporadiques des nerfs périphériques(1–3), rassemblant 298 tumeurs, on constate que les schwannomes prédominent au membre supérieur (66%) par rapport au membre inférieur (34%). Au membre supérieur, ils sont retrouvés plus fréquemment sur le plexus brachial (28%) et le nerf médian (16%) alors qu’au membre inférieur, ils prédominent sur le tronc du nerf sciatique (9%) et le plexus lombo-sacré (7%).
Les neurofibromes sont développés aux dépens des cellules de Schwann mais comportent également des fibroblastes et un infiltrat inflammatoire. Il existe plusieurs formes de neurofibromes périphériques : cutanés, intra-nerveux et plexiformes. Les neurofibromes cutanés sont habituellement indolores et relèvent d’une prise en charge dermatologique. Les neurofibromes plexiformes comportent de multiples nodules, peuvent s’associer à une infiltration des parties molles adjacentes et ne sont pas accessibles à une chirurgie complète sans sacrifier le nerf porteur. Ils sont habituellement pris en charge en chirurgie plastique car un geste de reconstruction est le plus souvent proposé en association avec l’exérèse carcinologique. Les neurofibromes intra-nerveux, dits nodulaires, sont accessibles à une chirurgie mais contrairement aux schwannomes, comportent habituellement plusieurs fascicules entrants et sortant en péri-tumoral, rendant la dissection plus difficile mais néanmoins réalisable.
Présentation
Les tumeurs des nerfs périphériques sont habituellement révélées par la palpation d’une tuméfaction sur le trajet d’un nerf et/ou des douleurs/paresthésies suivant le trajet du nerf. La survenue ou l’intensification nocturne des douleurs est retrouvée dans 25% des cas (4). Lorsque la tumeur est palpable, elle est habituellement ferme, mobile dans le sens perpendiculaire au nerf. La percussion peut réveiller la douleur ou les paresthésies dans le trajet du nerf incriminé, un signe de Tinel étant présent dans 65% des cas (1). L’examen physique est habituellement normal, les tumeurs étant responsables d’un déficit neurologique moteur pré-opératoire dans seulement 12% des cas (1).
Diagnostic radiologique
L’IRM est l’examen iconographique de choix dans le diagnostic des schwannomes. La tumeur apparaît comme une masse ovoïde centrée sur un tronc nerveux lorsque celui-ci est de gros calibre, le nerf pouvant être individualisé à son entrée et à sa sortie de la tumeur sur les coupes coronales et sagittales. Le schwannome est classiquement en hypo- ou isosignal en séquences T1 et en hypersignal T2 et présente classiquement une prise de contraste intense et homogène après injection de Gadolinium. Le neurofibrome est classiquement caractérisé par le « signe de la cible », correspondant à une partie centrale très hypointense entourée d’une couronne hyperintense. Les fibres nerveuses saines peuvent être individualisées en périphérie de la tumeur sur les coupes axiales.
Les autres examens sont moins spécifiques notamment l’échographie, qui peut toutefois être utilisée comme examen de débrouillage, notamment grâce au développement des échographies ultra-portables qui permettent une première analyse en consultation. La tumeur y apparaît comme une masse à contours nets, de structure hypo-échogène, le nerf porteur pouvant visualisé en amont et en aval de la tumeur. L’électromyogramme (EMG) peut montrer des signes d’atteinte neurogène périphérique avec démyélinisation segmentaire (sans atteinte axonale le plus souvent). L’EMG est le plus souvent normal en raison du faible nombre de fibres impliquées dans la compression (5).
Prise en charge thérapeutique
En cas de tuméfaction isolée ou de gêne fonctionnelle modérée, une surveillance clinico-radiologique initiale sera réalisée avec une IRM tous les 6 mois puis tous les ans. En cas d’augmentation volumétrique ou de majoration de la gêne liée aux douleurs ou aux symptômes sensitifs, une intervention chirurgicale est proposée. En raison de l’objectif essentiellement fonctionnel de la chirurgie, elle sera discutée au cas par cas avec le patient en fonction de ses symptômes. La biopsie n’est pas recommandée dans les schwannomes en raison de son caractère douloureux et du risque de lésion des fascicules péri-tumoraux. Elle peut être néanmoins réalisée en cas de doute diagnostique avec une tumeur agressive (tumeur maligne de la gaine des nerfs périphériques, MPNST – Malignant Peripheral Nerve Sheath Tumor).
La chirurgie est habituellement réalisée en ambulatoire sous anesthésie loco-régionale (pour les tumeurs les plus superficielles) ou plus souvent générale. La voie d’abord chirurgicale est centrée sur la tumeur et permet d’exposer le nerf en amont et en aval de cette dernière. L’échographie peut être utilisée en per-opératoire pour localiser avec précision la tumeur, essentiellement dans le cadre de petits schwannomes intra-dermiques ou de tumeurs intra-musculaires. La stimulation nerveuse permet de vérifier la fonction motrice du nerf en per-opératoire. Un monitoring EMG per-opératoire peut être réalisé dans la chirurgie du plexus brachial et du plexus lombo-sacré. L’objectif premier de la chirurgie est de respecter la continuité et l’intégrité du nerf. La chirurgie va donc consister en une énucléation du schwannome après ouverture de l’épinèvre sous-grossissement optique.
Les résultats de la chirurgie des tumeurs des nerfs périphériques sont globalement bons(1–3,5) avec une amélioration de la douleur et des symptômes sensitifs dans près de 90% des cas. Parmi les complications post-opératoires, on retrouve les aggravations de la fonction motrice (11%) et l’apparition d’une nouvelle zone d’hypoesthésie (11%), les nouvelles douleurs étant exceptionnelles (2%). L’exérèse est complète peut être réalisée dans près de 80% des cas et les récidives observées dans 5% des schwannomes. En l’absence de récidive à 2 ans de l’intervention, le patient peut être considéré comme guéri. Dans les séries les plus importantes de la littérature (4), le pronostic fonctionnel des neurofibromes (hors NF1) ne diffère pas de celui des schwannomes.
Syndromes de prédisposition génétique
Les tumeurs des nerfs périphériques peuvent se rencontrer dans le cadre de la Neurofibromatose de type 1 et les Schwannomatoses.
Neurofibromatose de type 1 (NF1)
Les neurofibromes nodulaires révèlent rarement la NF1 ou maladie de von Recklinghausen, qui est plus souvent révélée par des signes cutanés (tâches café au lait, lentigines axillaires, neurofibromes cutanés) et est liée au gène NF1, située sur le chromosome 17. La prise en charge des neurofibromes dans la NF1 est complexe en raison de différentes formes retrouvées (neurofibromes cutanés focaux, neurofibromes cutanés diffus, neurofibromes intra-nerveux nodulaires, neurofibromes des parties molles, neurofibromes visceraux, neurofibromes plexiformes). Ce sont ces derniers, les neurofibromes plexiformes, qui présentent le plus souvent des transformations malignes en tumeurs malignes des gaines des nerfs périphériques (MPNST). Leur caractère très diffus et infiltrant les rend rarement éligibles à une exérèse complète, qui le cas échéant est confiée à des équipes de chirurgiens plasticiens ou spécialisés dans les sarcomes. La prise en charge des neurofibromes nodulaires dans la NF1 relève de la neurochirurgie mais doit s’entourer de précautions supplémentaires, notamment la réalisation d’un PET-Scan au FDG pré-opératoire, pour ne pas méconnaître une tumeur agressive (neurofibrome atypique ou ANNUBP – « atypical neurofibromatous neoplasms of uncertain biologic potential ») à risque de transformation maligne et s’intégrer dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire et d’un centre de référence NF1 (6).
Schwannomatoses
Les schwannomatoses constituent des syndromes génétiques de prédisposition à développer des schwannomes multiples, et dans le cadre de la Schwannomatose liée au gène NF2 (anciennement appelée Neurofibromatose de type 2) des méningiomes et des épendymomes (7). Ce sont des maladies rares. Les schwannomatoses sont liées à des mutations germinales exclusives l’une de l’autre de 3 gènes suppresseurs de tumeurs, NF2, SMARCB1 et LZTR1, tous 3 situés sur le chromosome 22.
Les principaux symptômes au diagnostic diffèrent selon les formes génétiques. Dans les Schwannomatoses liées au gène NF2, les patients présentent dans 90 à 95 % des cas des schwannomes vestibulaires et vont donc présenter une hypoacousie de perception uni- ou plus rarement bilatérale et d’autres symptômes cochléo-vestibulaires (troubles de l’équilibre, acouphènes). Dans les Schwannomatoses non liées au gène NF2, les patients, les patients souffrent essentiellement de schwannomes des nerfs périphériques (89%) et de schwannomes rachidiens (74 %). Les schwannomes des nerfs crâniens sont rares (8 %) : un schwannome vestibulaire unilatéral peut notamment être retrouvé chez 15 % des patients porteurs d’une schwannomatose LZTR1, et des schwannomes du trijumeau, dans les autres cas. Les principaux signes de découverte sont la douleur (46 %), la palpation d’une masse (27 %) ou les 2 (11 %), les déficits sensitivomoteurs étant rares.
Dans un Schwannomatose, le bilan d’imagerie initial comporte une IRM cérébrale avec des coupes fines centrées sur les conduits auditifs internes et une IRM panmédullaire, et une ou plusieurs IRM centrées sur les régions douloureuses en fonction de chaque patient. Les schwannomes des patients porteurs de schwannomatose ont le même aspect radiologique que les schwannomes sporadiques, à l’exception des formes multinodulaires, résultat de la fusion de multiples schwannomes contigus sur un même nerf périphérique.
La prise en charge des patients porteurs d’une forme complexe de schwannomatose est réalisée idéalement au niveau de centres experts qui associent une prise en charge clinique au diagnostic et au conseil génétique. Sur le versant clinique, la prise en charge des schwannomes des nerfs périphériques chez les patients porteurs de schwannomatose est centrée sur le traitement des douleurs chroniques présentes chez 68 % des patients. Ces douleurs sont souvent mal localisées, se présentant par accès sur un fond douloureux permanent, souvent sans lien avec un schwannome sous-jacent. Le traitement est donc essentiellement médical, avec de nombreux cas de douleurs rebelles, 27 % des patients rapportant l’utilisation de plus de 6 médicaments antidouleur. La chirurgie reste réservée aux cas de tumeurs en croissance rapide ou clairement à l’origine des symptômes (8). Les effets de la radiothérapie et de la chimiothérapie dans le traitement des schwannomatoses sont jusqu’à présent très limités.
Réponses
1) 1D, 2B, 3AD et 4B
Les tumeurs malignes des nerfs périphériques ne se rencontrent que dans la Neurofibromatose de type 1. Une évolution radiologique seule dans les autres syndromes de prédisposition ne peut donc constituer une indication chirurgicale en présupposant d’une éventuelle transformation maligne.
Le syndrome de von Hippel-Lindau prédispose à la formation d’hémangioblastomes, qui ne se présentent que de manière rarissime (une dizaine de cas rapportés) au niveau des nerfs périphériques.
2) a, d et e
Aucun signe clinique n’est véritablement pathognomonique d’une tumeur maligne mais les tumeurs bénignes n’entraînent quasiment jamais de déficit moteur. L’imagerie inhabituelle associée au déficit moteur doit faire évoquer le diagnostic.
3) b et d
Le risque de récidive est proche de 0 en cas d’exérèse complète, à savoir une extraction en monobloc avec préservation du plan capsulaire.
4) b
Le diagnostic de schwannomatose doit être évoqué assez tôt, dès la présence de 2 schwannomes non intradermiques, même si les chirurgies pour ces deux schwannomes sont éloignées de plusieurs années chez un patient par ailleurs asymptomatique. Cela implique la réalisation d’au moins une IRM complète du névraxe. La charge tumorale est très variable dans les schwannomatoses.
5) b
L’électromyogramme est quasi-systématiquement normal en pré-opératoire et n’est donc pas légitime. Seule l’IRM est réalisée systématiquement, notamment pour définition des rapports vasculaires et l’identification des fibres normales.
Références
1. Artico M, Cervoni L, Wierzbicki V, D’Andrea V, Nucci F (1997) Benign neural sheath tumours of major nerves : characteristics in 119 surgical cases. Acta Neurochir (Wien) 139(12):1108–1116
2. Chick G, Alnot JY, Silbermann-Hoffman O (2000) [Benign solitary tumors of the peripheral nerves]. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 86(8):825–834
3. Guha D, Davidson B, Nadi M, et al (2018) Management of peripheral nerve sheath tumors : 17 years of experience at Toronto Western Hospital. J Neurosurg 128(4):1226–1234
4. Kim DH, Murovic JA, Tiel RL, Moes G, Kline DG (2005) A series of 397 peripheral neural sheath tumors : 30-year experience at Louisiana State University Health Sciences Center. J Neurosurg 102(2):246–255
5. Lapierre F, Rigoard P, Wager M (2009) [Peripheral nerve tumors]. Neurochirurgie 55(4-5):413–420
6. Higham CS, Dombi E, Rogiers A, Bhaumik S, Pans S, Connor SEJ, Miettinen M, Sciot R, Tirabosco R, Brems H, Baldwin A, Legius E, Widemann BC, Ferner RE. The characteristics of 76 atypical neurofibromas as precursors to neurofibromatosis 1 associated malignant peripheral nerve sheath tumors. Neuro Oncol. 2018 May 18 ;20(6):818-825.
7. Planet M, Kalamarides M, Peyre M. Schwannomatosis : a Realm Reborn : year one.Curr Opin Oncol. 2023 Nov 1 ;35(6):550-557.
8. Peyre M, Tran S, Parfait B, Bernat I, Bielle F, Kalamarides M. Surgical Management of Peripheral Nerve Pathology in Patients With Neurofibromatosis Type 2. Neurosurgery. 2023 Feb 1 ;92(2):317-328.
Documents joints
Tumeurs des nerfs périphériques
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