10.3.3 Chirurgie des syndromes canalaires

Philippe RIGOARD

Questionnaire

1) Un syndrome du canal carpien peut donner des douleurs :
A) Continues,
B) Fugaces,
C) De type neuropathique avec une irradiation rétrograde pouvant remonter jusqu’à l’épaule,
D) Des phénomènes végétatifs et vasomoteur avec un œdème de l’avant-bras,
E) De type irradiation, projetée, controlatérale, compte tenu de la latéralisation, et de la représentation de l’aire de la main au niveau corticale.

2)Un syndrome du canal carpien peut inclure :
A) Un syndrome acroparesthésique
B) Une allodynie des deux derniers doigts de la main
C) Un déficit de l’éminence Thénar.
D) Un déficit de la pronosupination
E) Une symptomatologie uniquement nocturne.

3) Une compression du nerf fibulaire de la branche du muscle tibial antérieur :
A) Peut entraîner des signes sensitifs et moteurs
B) Peut provoquer un déficit du tibia postérieur
C) Peut s’accompagner de douleur transfixiante irradiante en face interne des cuisses
D) Peut s’accompagner d’un déficit des releveurs des orteils.
E) Peut entraîner un bloc de conduction sur un électromyogramme du muscle tibial antérieur.

4) Le syndrome d’Alcock est un syndrome canalaire compressif qui concerne le nerf pudendal et qui peut faire l’objet d’infiltration et/ou de décompression chirurgicale sur plusieurs sites anatomiques.
A) Vrai
B) Faux

5) Un syndrome canalaire du nerf ulnaire peut :
A) Être amélioré par une injection de toxines botuliques
B) Être opéré par transposition du nerf
C) Faire l’objet d’une décompression en cas d’échec d’une infiltration, au niveau de la gouttière épitrochlée–olécrânienne
D) Être difficile d’accès, sans chirurgie, dans sa forme réfractaire, au regard à la fragilité particulière de ce nerf et à la compression essentiellement fibreuse de la gouttière à ce niveau.
E) Aboutir dans sa forme motrice à un déficit d’adduction des 2 derniers doigts de la main.

1. Introduction

Dans la pratique courante, les neurologues et neurochirurgiens sont confrontés au problème étiologique des douleurs des membres de patients souvent en échec thérapeutique, du fait du caractère atypique de ces douleurs ou du fait qu’elles relèvent de causes inhabituelles. La multiplicité́ des sites anatomiques pouvant entrainer des syndromes canalaires est responsable de la méconnaissance de nombre d’entre eux.
Les syndromes canalaires sont une cause fréquente de neuropathie périphérique, par altération fonctionnelle du nerf comprimé par une ou plusieurs des structures de voisinage. Cette compression est responsable d’une ischémie longtemps réversible du nerf, aux dépens duquel vont coexister des lésions de dégénérescence et de régénération.

2. Généralités

L’étroitesse de certains défiles anatomiques, l’exposition habituelle ou professionnelle à des traumatismes répétés, une susceptibilité́ individuelle ainsi que des modifications surajoutées de l’environnement anatomique péri nerveux (comme des déformations osseuses congénitales ou acquises, des maladies métaboliques et endocriniennes, des syndromes inflammatoires ou infectieux, des fistules artérioveineuses) vont en favoriser l’émergence.
La multiplicité des syndromes canalaires, le caractère souvent longtemps incomplet de leur symptomatologie, et même l’existence de signes franchement atypiques dus à des variations anatomiques, rendent compte de la difficulté́ du diagnostic et de certains retards diagnostiques (Mumenthaler et Schliack, 1991). En fait tout le problème va être de rattacher la symptomatologie à sa cause exacte, en raisonnant non seulement en termes de radiculalgie mais aussi en termes d’atteinte plus périphérique ou bien tronculaire. Il en découle l’indication correcte des examens complémentaires, notamment électrophysiologiques, l’imagerie étant de moindre secours.
Le traitement repose à un stade précoce sur la mise au repos parfois associée à une infiltration qui confirme le diagnostic par son efficacité́, l’infiltration ne devant pas être répétée. Le traitement est avant tout étiologique, consistant en une suppression chirurgicale de la compression en ouvrant le défilé ostéofibromusculaire et en pratiquant à la demande l’exérèse du ou des éléments compressifs. Les résultats sont en général excellents et durables.

3. Critères cliniques du diagnostic

L’interrogatoire est essentiel : la douleur est le signe d’appel le plus fréquent, survenant au repos et parfois dans certaines positions électives, souvent à exacerbation nocturne, réveillant le patient en milieu de nuit ou au petit matin, sous forme de paresthésies, de sensation de striction ou d’étau insupportables, de brûlures, avec un engourdissement volontiers matinal. La douleur irradie le long du trajet du nerf, apparentant les symptômes à un syndrome acroparesthésique.
L’examen de la motricité́ ne sera que tardivement contributif, contrairement à celui de la sensibilité́, à la recherche du signe de Tinel, à une épreuve du garrot pneumatique, voire à l’effet d’une infiltration bien ciblée.
Le siège des troubles doit bien sur être limité au territoire du nerf concerné, en l’absence de pathologie intriquée.

4. Critères paracliniques

L’EMG recherche un bloc de conduction pur sans atteinte axonale ou une atteinte myélinique associée à une dégénérescence axonale plus ou moins sévère. Il précise le niveau de l’atteinte, sa gravité, et dans les formes précoces, doit être sensibilisé par des épreuves spécifiques.
L’imagerie peut aider dans les formes associées à des anomalies anatomiques. L’IRM peut montrer une anomalie de signal du nerf ou documenter une lésion expansive intra- ou extra nerveuse. La mesure des pressions intra canalaires, essentiellement au niveau du canal carpien, a été proposée par certains.

5. Principaux syndromes canalaires du membre supérieur

Les principaux syndromes canalaires du membre supérieur sont :
• syndrome du canal carpien ;
• syndrome du nerf ulnaire au coude ;
• syndrome du nerf ulnaire au niveau de la loge de Guyon ;
• syndrome du nerf interosseux antérieur ;
• syndrome du nerf interosseux postérieur ou branche motrice du nerf radial ;
• syndrome du rond pronateur ;
• syndrome du nerf suprascapulaire ;
• syndrome du nerf infrascapulaire ;
• syndrome du nerf du grand dentelé́ – nerf thoracique long ;
• syndrome du nerf musculocutané.

6. Syndromes canalaires du membre inférieur

Multiples, leur méconnaissance ne peut que conduire à des échecs thérapeutiques. La clinique est déterminante dans le diagnostic (Fernandez, 1999).
La liste ci-dessous n’est pas exhaustive et comporte :
• le syndrome du nerf fémoral ;
• le syndrome du nerf iliogastrique ;
• le syndrome du nerf ilio-inguinal ;
• le syndrome du nerf génitofémoral ;
• le syndrome du nerf latéral de la cuisse le syndrome du nerf obturateur ;
• le syndrome des nerfs saphènes ;
• le syndrome du nerf fibulaire commun ;
• le syndrome du nerf fibulaire profond ;
• le syndrome du nerf fibulaire superficiel ;
• le syndrome du nerf tibial à la cheville ;
• la métatarsalgie de Morton ;
• le syndrome du piriforme ;
• le syndrome du nerf tibial postérieur.

7. Conclusion

Les syndromes canalaires sont multiples et leur fréquence vraisemblablement très sous-estimée, surtout celle des syndromes les moins courants. Même pour les plus connus, variations anatomiques et curiosités sémiologiques peuvent égarer le diagnostic. Ces erreurs ou méconnaissances vont rendre compte d’un certain nombre d’échecs, notamment de la chirurgie rachidienne ou à contrario de la chirurgie canalaire.

Les principaux syndromes canalaires, F. Lapierre , K. Buffenoir , J.-P. Giot , A. Delmotte , P. Rigoard

Réponses

Q1 : A, B, C
Q2 : A, C, E
Q3 : A, D, E
Q4 : A
Q5 : A, B, C, D, E

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