10.4.1.3 Techniques de neurochirurgies lésionnelle spinales au niveau des cornes de la moelle : DREZ-tomies

Patrick MERTENS & Corentin Dauleac

Questions

1) Concernant la DREZotomie, sélectionnez la ou les bonnes réponses :
A) C’est une technique chirurgicale qui est réalisée systématiquement de manière unilatérale
B) C’est une technique lésionnelle non sélective
C) C’est une technique très efficace dans le traitement de certaine douleur neuropathique
D) C’est une technique dont l’effet est durable dans le temps
E) C’est une technique qui diminue significativement la spasticité en postopératoire immédiat

2) Concernant les indications de la DREZotomie, sélectionnez la ou les bonnes réponses :
A) Est généralement proposée lorsque la spasticité est diffuse
B) Est généralement proposée après un test sous anesthésie générale
C) Est généralement proposée après une chirurgie orthopédique
D) Est généralement proposée pour traiter la spasticité focale
E) Est généralement proposée en 1er attention, avant la réalisation d’injection de toxine botulinique

3) Concernant la technique chirurgicale de DREZotomie, sélectionnez la ou les bonnes réponses :
A) Est réalisée sous anesthésie générale
B) Consiste à sectionner une partie des radicelles ventrales sortant de la moelle spinale
C) Nécessite de repérer le sillon dorsolatéral de la moelle et de l’ouvrir
D) Consiste à réaliser des micro coagulations après avoir ouvert le sillon dorsolatéral de la moelle
E) Doit être réalisée sans électroneuromonitoring per-opératoire

4) Concernant les résultats de la DREZotomie dans la prise en charge de la spasticité, sélectionnez la ou les bonnes réponses :
A) Une diminution drastique de la spasticité est observée en post opératoire immédiat
B) Une anesthésie thermo-algique est systématiquement observée
C) Une diminution de l’hyperactivité détrusorienne peut être observée (si les métamères sacrés ont été ciblés)
D) N’entraîne jamais de troubles sensitifs
E) Peut révéler une motricité sous-jacente masquée préalablement par l’hypertonie musculairespasticité

a) Principes

Dans la zone d’entrée des radicelles dorsales dans la moelle spinale (dorsal root entry zone - DREZ) des études anatomiques et physiologiques chez l’homme ont démontré l’apparition d’une organisation spatiale des fibres afférentes selon leur fonction : les fibres nociceptives sont situées dans la partie ventrolatérale de la DREZ, alors que les fibres proprioceptives inconscientes notamment myotatiques sont placées dans la partie centrale et les fibres à destinée cordonnale dorsale puis lemniscale (pour le tact superficiel et la proprioceptivité consciente) se trouvent dans la partie dorsomédiale de la DREZ.1,2
L’hypertonie spastique s’exprime notamment par une hyperactivité de la boucle monosynaptique du réflexe myotatique (réflexe d’étirement). Les thérapeutiques antispastiques ont donc pour la plupart le but de réduire cette hyperactivité réflexe.
L’objectif de la DREZotomie microchirurgicale est ainsi d’interrompre cette boucle du réflexe myotatique en interrompant sélectivement les afférences nociceptives (boucle polysynaptique) et myotatiques (boucle monosynaptique) du réflexe d’étirement, tout en préservant la sensibilité lemniscale

b) Indications et contre-indications

Initialement introduite en 1972 par le neurochirurgien français Marc Sindou, pour traiter des douleurs d’origine cancéreuse puis des douleurs neuropathiques chroniques, l’observation d’une diminution franche du tonus musculaire (et d’une abolition du réflexe d’étirement) dans les territoires innervés par les segments médullaires ciblés par la DREZotomie 6 a fait étendre les indications de la DREZotomie au traitement de la spasticité invalidante des membres.6,7
Comme les autres techniques chirurgicales, la DREZotomie est proposée lorsque la spasticité est très invalidante et n’est pas contrôlée par des méthodes conservatrices. L’évaluation préopératoire doit être réalisée par une équipe multidisciplinaire (organisée autour du binôme neurochirurgien/médecin MPR), afin de bien préciser les objectifs thérapeutiques pour le patient et différencier les conséquences orthopédiques (rétractions musculo-tendineuses, ankyloses articulaires, etc...) de la spasticité. Une DREZotomie lombo-sacrée peut être proposée à des patients paraplégiques spastiques lorsque : (1) la spasticité est sévère, diffuse et invalidante, (2) une douleur neuropathique est associée, (3) si des fuites urinaires sont associées à une vessie hyperactive, alors une extension de la DREZotomie au niveau S2-S3 peut être discutée si la pose ou le maintien d’une sonde urinaire à demeure est acceptable. Une DREZotomie cervicale peut s’envisager en situation de spasticité diffuse d’un membre supérieur. Cependant, la DREZotomie entraînant de facto une anesthésie thermo-algique, elle ne sera envisagée que si préexiste une altération significative de la sensibilité thermo-algique.
S’agissant d’une technique lésionnelle non modulable une fois le geste réalisé, les indications de DREZotomie, face à une spasticité diffuse d’un ou plusieurs membres, se situent en seconde ligne après la thérapeutique d’infusion chronique intrathécale de baclofen. Ce n’est que si cette dernière n’est pas envisageable ou ne peut être poursuivie pour différentes raisons, qu’une DREZotomie rentre dans le champ de la discussion thérapeutique. L’avantage de la DREZotomie par rapport aux pompes de baclofen est leur moindre coût avec un suivi plus simple mais au prix d’une chirurgie plus lourde. Il faut donc considérer le rapport bénéfices / risques de chaque technique individuellement, pour chaque patient en regard des ses objectifs personnels.
Une alternative à la DREZotomie est la radicotomie postérieure fonctionnelle (RPF), principalement utilisée pour le traitement de la spasticité diffuse aux membres inférieurs et tout particulièrement chez l’enfant paralysé cérébral. Elle est actuellement très peu utilisée pour les atteintes du membre supérieur 8.

c) Technique chirurgicale

Le patient est installé en décubitus ventral, sous anesthésie générale, sans curarisation afin de réaliser un neuromonitoring peropératoire des réponses motrices par stimulation des racines ventrales. Après incision médiane dorsale, une laminotomie/laminectomie est réalisée en regard des zones radiculo-métamériques à opérer (niveaux vertébraux C3-T1 pour un membre supérieur, T10-L1 pour les membres inférieurs). La dure-mère et l’arachnoïde sont ouvertes longitudinalement9. La stimulation peropératoire des radicelles ventrales permet leur identification. Au membre supérieur la séparation nette entre l’entrée de chaque racine permet un repérage facile : C4 donne des réponses diaphragmatiques, C5 dans le deltoïde, C6 le biceps brachial, C7 dans le triceps brachial, C8 et T1 au niveau de la main. Par contre, au niveau lombo-sacré l’entrée des racines et de leurs radicelles se réalise de façon continue sans séparation rendant le repérage radiculaire plus difficile. Cependant, la sortie dure-mérienne de L2 peut être observée à la partie inférieure de l’abord et sa stimulation induit des réponses musculaires dans le psoas et les muscles adducteurs. Les réponses L3 s’observent dans les adducteurs et le quadriceps, L4 dans le quadriceps et L5 dans le tibial antérieur. S1 est identifiée par deux éléments : ses radicelles dorsales pénètrent dans le cône médullaire en moyenne 30 mm au-dessus de la pénétration de la radicelle coccygienne et la stimulation électrique donne des réponses dans le muscle triceps sural. 3, 5, 6 La stimulation des radicelles S2 active les fléchisseurs d’orteils et S3 et S4 donnent des réponses dans le sphincter anal (observées par électromyographie). Ces dernières racines seront épargnées sauf si un geste pour une vessie hyperactive est prévu. Le monitoring des réponses du détrusor peut être réalisé grâce à la mesure des pressions intravésicales par une sonde mais est malheureusement peut spécifique (répondant à toute réponse musculaire influençant la pression abdomino-pelvienne).
Afin d’accéder au sillon dorsolatéral, les radicelles dorsales sont déplacées dorso-médialement. Le sillon dorso-latéral est ensuite incisé à l’aide d’un bistouri ophtalmique. Des microcoagulations (à très faible intensité) à l’aide d’une bipolaire graduée sont réalisées dans la DREZ jusqu’à une profondeur de 3 mm, de proche en proche tous les millimètres.

d) Résultats

La grande expérience développée par Sindou et al.,6,7,11, 12, 14 sur plus de 175 patients, a permis d’évaluer une diminution significative ou une abolition de la spasticité chez plus de 80% des patients (selon l’échelle d’Ashworth), avec une diminution significative des spasmes musculaires dans 90% des cas (selon l’échelle de Penn). La DREZotomie a permis une augmentation significative de l’amplitude passive des mouvements de toutes les articulations des membres inférieurs.6,10 Selon la sévérité préopératoire des rétractions tendineuses ou de l’ankylose articulaire, une chirurgie orthopédique secondaire pouvait être nécessaire (chez 18% des patients).10 Il est à noter que dans 12% des cas, la réapparition d’une motricité volontaire a été identifiée suite à la disparition de la spasticité. Les auteurs ont évalué les effets à moyen-6 et à long terme10 de la DREZotomie microchirurgicale pour la spasticité des membres inférieurs, et ont retrouvé un maintien des résultats.
Par ailleurs, une DREZotomie microchirurgicale bilatérale étendue à S2-S4 a déjà démontré son efficacité dans le traitement de la vessie hyperactive11,12,13,14. Les évaluations urodynamiques postopératoires ont montré une disparition de l’hyperactivité détrusorienne chez 82% des patients (permettant une disparition des fuites urinaires dans 89% des cas), et une augmentation de la capacité vésicale dans 63% des cas. 13

e) Risques et inconvénients

Selon l’anatomie des fibres présentes dans la DREZ, la DREZotomie microchirurgicale induit une anesthésie thermo-algique. C’est pourquoi cette technique chirurgicale est proposée comme traitement de la spasticité chez des patients présentant au préalable, une anesthésie thermo-algique et/ou des douleurs neuropathiques invalidantes.
Par ailleurs, si les microcoagulations sont réalisées trop médialement, les faisceaux gracile et cunéiforme peuvent être lésés entraînant une ataxie proprioceptive ; alors que si elles sont réalisées trop latéralement, une atteinte du le tractus cortico-spinal croisé génère une faiblesse musculaire supplémentaire (moins de 2% des cas).
De plus, les paraplégiques étant des sujets fragiles (souvent immunodéprimés), un retard de cicatrisation (ou une infection de la cicatrice) peut également survenir (dans 11% des cas10).

Réponses

Question 1 : CDE
Question 2 : A
Question 3 : ACD
Question 4 : ABCE

Références

1. Alfredo Quinones-Hinojosa. Schmidek and Sweet : Operative Neurosurgical Techniques 2-Volume Set : Indications, Methods and Results (2021). 7th edition. Elsevier ; 2021.

2. Youmans JR. Youmans & Winn Neurological Surgery. Eighth edition. (Winn HR, ed.). Elsevier ; 2023.

3. Sindou M. Microsurgical DREZotomy (MDT) for pain, spasticity, and hyperactive bladder : a 20-year experience. Acta Neurochir (Wien). 1995 ;137(1-2):1-5. doi:10.1007/BF02188771

4. Jeanmonod D, Sindou M. Somatosensory function following dorsal root entry zone lesions in patients with neurogenic pain or spasticity. J Neurosurg. 1991 ;74(6):916-932. doi:10.3171/jns.1991.74.6.0916

5. Sindou M, Turano G, Pantieri R, Mertens P, Mauguière F. Intraoperative monitoring of spinal cord SEPs during microsurgical DREZotomy (MDT) for pain, spasticity and hyperactive bladder. Stereotact Funct Neurosurg. 1994 ;62(1-4):164-170. doi:10.1159/000098613

6. Sindou M, Jeanmonod D. Microsurgical DREZ-otomy for the treatment of spasticity and pain in the lower limbs. Neurosurgery. 1989 ;24(5):655-670. doi:10.1227/00006123-198905000-00002

7. Mertens P, Sindou M. [Microsurgical drezotomy for the treatment of spasticity of the lower limbs]. Neurochirurgie. 1998 ;44(3):209-218.

8. Kadodkar P, Fallah A, Tu A. Systematic review on use and efficacy of selective dorsal rhyzotomy for the management of spasticity in non-pediatric patients. Child’s Nervous system. 2021 ; 37, 1837-1847

9. Dauleac C, Jacquesson T, Mertens P. Anatomy of the human spinal cord arachnoid cisterns : applications for spinal cord surgery. J Neurosurg Spine. Published online July 12, 2019:1-8. doi:10.3171/2019.4.SPINE19404

10. Mansuy L, Sindou M, Fischer G, Brunon J. [Spino-thalamic cordotomy in cancerous pain. Results of a series of 124 patients operated on by the direct posterior approach]. Neurochirurgie. 1976 ;22(5):437-444.

11. Mertens P, Sindou M. [Microsurgical drezotomy for spastic limbs]. Neurochirurgie. 2003 ;49(2-3 Pt 2):325-338.

12. Sindou M. Microsurgical DREZotomy (MDT) for pain, spasticity, and hyperactive bladder : a 20-year experience. Acta Neurochir (Wien). 1995 ;137(1-2):1-5. doi:10.1007/BF02188771

13. Mertens P, Sindou M. [Microsurgical sacral drezotomy for the treatment of hyperactive bladder]. Neurochirurgie. 2003 ;49(2-3 Pt 2):399-403.

14. Sindou M, Georgoulis G, Mertens P, Neurosurgery for spasticity. A practical guide for treating children and adults. Springer (1er ed) ; 2014, 266p.

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