10.4.4 Prise en charge neurochirurgicale de la spasticité chez l’enfant
Pierre-Aurélien BEURIAT & Patrick MERTENS

Questionnaire à choix multiples
1) Concernant la spasticité chez l’enfant. Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) juste(s) ?
A) l’évolution de la spasticité est linéaire au cours de la croissance.
B) la dystonie est souvent associé à la spasticité dans la paralysie cérébrale
C) les objectifs de traitement sont communs à tous les enfants
D) l’hypertonie spastique s’exprimant notamment par une hyperactivité de la boucle polysynaptique du réflexe myotatique
E) la spasticité peut entraîner des pertes fonctionnelles et des contractures irréductibles
2) Concernant les traitements chirurgicaux de la spasticité chez l’enfant. Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) juste(s)
A) la pompe à baclofène est aussi efficace que la prise du médicament per os et n’est indiqué que chez l’enfant avec des troubles de déglutitions
B) la diffusion systémique du baclofène intra thécal est très limitée permettant d’éviter les effets indésirables de la prise per os
C) la pompe à baclofène est réservée aux enfants non marchants
D) l’effet de la pompe à baclofène est non sélectif sur les différents groupes musculaires des membres inférieurs
E) les effets de la pompe à baclofène sont possibles sur les membres supérieurs
3) Concernant les traitements chirurgicaux de la spasticité chez l’enfant. Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) juste(s) ?
A) la radicotomie entraine un déficit de la sensibilité par section partielle de la racine dorsale
B) la section des racines dorsales est comprises entre 0 et 75%
C) les enfants GMFCS IV/V sont aussi des candidats potentiels à la radicotomie
D) la rééducation intensive post opératoire est obligatoire pour obtenir des résultats prolongés dans le temps
E) il existe plusieurs techniques opératoires d’abord des racines de la queue de cheval qui n’ont pas d’influence sur les résultats
4) Concernant les traitements chirurgicaux de la spasticité chez l’enfant. Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) juste(s) ?
A) la neurotomie périphérique est destinée à traiter une spasticité focale des membres supérieurs et inférieurs
B) plusieurs sites de neurotomie peuvent être réalisés lors du même geste opératoire
C) un test pré opératoire par des injections intra musculaire d’anesthésique local est recommandé
D) la présence d’une dystonie importante est une contre-indication à la réalisation d’une neurotomie
E) on peut discuter la réalisation simultanée d’un geste orthopédique
La spasticité est un symptôme fréquemment rencontré chez l’enfant après diverses pathologies neurologiques notamment la paralysie cérébrale (PC). La spasticité peut être utile en compensant la perte de force motrice, mais peut également devenir nocive, entraînant de nouvelles pertes fonctionnelles et des désordres irréductibles. La particularité de l’enfant est qu’il s’agit d’un être en croissance.
La croissance exacerbe les conséquences de la spasticité, en particulier lorsqu’elle est importante (avant l’âge de 6 ans, et pendant la puberté). En s’opposant à l’étirement physiologique lié à la croissance, la spasticité est la source d’un enraidissement musculaire, qui peut mener à un raccourcissement tendineux, puis à des déformations osseuses (anomalies secondaires).
Le suivi de l’enfant PC est donc nécessairement pluridisciplinaire, afin d’apporter le soin le plus adapté au moment optimal. La prise en charge multidisciplinaire des soins est un processus dynamique et systématique qui implique plusieurs professionnels de santé médicaux et paramédicaux.
L’objectif est de répondre aux besoins complexes de l’enfant, d’optimiser les résultats fonctionnels et d’améliorer la qualité de vie. Le processus thérapeutique peut être décomposé en plusieurs étapes clés : évaluation complète (par utilisation d’échelle tel que le GMFCS) , établissement d’objectifs, planification, mise en œuvre et suivi sur le long-terme. Chaque étape implique une collaboration et une communication actives entre l’équipe multidisciplinaire et la famille de l’enfant.
L’établissement d’objectifs est une phase critique qui guide l’ensemble du plan de soins et garantit que toutes les interventions sont alignées sur les priorités de l’enfant et de la famille.
Objectifs à court terme : ceux-ci se concentrent sur des préoccupations immédiates, telles que la réduction de la douleur, l’amélioration de la mobilité articulaire et l’amélioration du confort.
Objectifs à long terme : les objectifs à long terme visent à améliorer la fonction globale, l’indépendance et la qualité de vie. Par exemple, permettre à l’enfant de marcher avec ou sans appareils fonctionnels, de participer à des activités scolaires ou de parvenir à une plus grande intégration sociale.
Objectifs centrés sur la famille : L’implication de la famille de l’enfant est cruciale lors de l’établissement des objectifs. L’équipe veille à ce que les objectifs reflètent les attentes, les valeurs culturelles et le style de vie de la famille. Ce processus de prise de décision partagée favorise un plus grand engagement de la part de la famille.
L’hypertonie spastique s’exprimant notamment par une hyperactivité de la boucle monosynaptique du réflexe myotatique (Stretch reflex), les thérapeutiques antispastiques ont pour la plupart le but de réduire cette hyperactivité réflexe. Lorsque la spasticité ne parvient pas à être contrôlée par des thérapeutiques médicamenteuses et des programmes de rééducation, la neurochirurgie fonctionnelle peut être un recours.
En visant à diminuer l’excès de tonus et à rééquilibrer les équilibres toniques, les interventions neurochirurgicales, qui peuvent être complétées par des interventions orthopédiques, doivent contribuer à améliorer la fonction et à limiter les déformations irréversibles. La planification des interventions implique la conception d’un plan de traitement complet (la chirurgie n’est qu’une étape au cours d’un long processus de prise en charge) et répondant aux objectifs spécifiques établis pour l’enfant. Ce plan intègre des stratégies médicales, chirurgicales, thérapeutiques et psychosociales.
Les procédures neurochirurgicales sont multiples. Chez l’enfant, il existe des procédures dites lésionnelles sur les nerfs périphériques (neurotomies sélectives), les racines spinales (rhizotomies dorsales), ou de neuromodulation par l’implantation d’une pompe de diffusion intrathécale de baclofène.
Echelle GMFCS basée sur les mouvements volontaires et mettant l’accent sur la station assise, les transferts et la mobilité.
Niveau I : Marche sans restriction de mouvements
Niveau II : Marche avec restriction de mouvements
Niveau III : Marche avec aide technique à la marche
Niveau IV : Mobilité avec restriction de mouvements ; peut utiliser une aide motorisée
Niveau V : Déplacement en fauteuil roulant manuel, poussé par un adulte
Techniques
La pompe à baclofène
Le baclofène est un dérivé de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), neurotransmetteur ubiquitaire dans le système nerveux central, principal neurotransmetteur inhibiteur du SNC. Son action est basée sur l’augmentation de l’inhibition présynaptique au niveau spinal, ce qui entraîne une diminution des réflexes pathologiques dont le reflexe myotatique et ainsi diminue la spasticité. Puisque le médicament est administré dans le LCS proche de sa cible intraspinale, son efficacité est très augmentée par rapport au traitement peros pour des doses mille fois inférieures et ses effets secondaires systémiques sont très réduits.
Le plus souvent, la pompe est typiquement proposée à l’enfant non marchant (grade GMFCS IV/V) d’un poids supérieur à 25kg présentant une spasticité diffuse importantes des 2 membres inférieurs dont les objectifs sont non fonctionnels (conforts, nursing, prévention neuro-orthopédiques, douleurs). L’effet de la pompe à baclofène est global et n’est pas sélectif sur les différents groupes musculaires et agit autant sur un membre inférieur que sur l’autre.
L’implantation du cathéter d’injection se réalise au niveau lombaire avec une extrémité du cathéter placée au niveau du cône chez le paraplégique. Une implantation cervicale permet de concerner les membres supérieurs mais avec un effet alors moindre aux membres inférieurs. Il est à noter qu’un effet sur les membres supérieurs et la musculature axiale est souvent décrit. L’implantation d’une pompe chez un enfant marchant avec des objectifs fonctionnels est possible. La réalisation d’un test avant l’implantation (soit par PL si l’objectif n’est pas fonctionnel, soit par pompe externe après l’implantation d’un réservoir lombaire si l’objectif est fonctionnel) est recommandée pour s’assurer de l’efficacité sur le/les objectif(s) fixés en pré opératoire.
La radicotomie (ou rhizotomie) postérieure fonctionnelle (RPF)
Cette technique a comme principe de diminuer le reflexe myotatique en réalisant la section partielle des racines dorsales de la moelle épinière afin d’interrompre les fibres afférentes.
Il existe 3 grands types de technique opératoire qui décrivent seulement la manière d’accéder aux racines dorsales, la finalité de la chirurgie, quel que soit la technique, étant la même. Il n’y a pas d’argument de supériorité d’une technique par rapport à une autre sur les résultats.
Ces modalités sont : 1) la rhizotomie postérieure sélective par une laminectomie s’étendant de L1 à S1 par Peacock et Arens, puis modifiée par une technique de laminoplastie d’Abbott et al. ; 2) la rhizotomie dorsale sélective par exposition limitée par Barolat et Park et al. ; 3) plus récemment, la rhizotomie dorsale interlaminaire de Sindou et Georgoulis.
Elle est typiquement réservée aux enfants plus jeunes (entre 3 et 7 ans). Le candidat typique est l’enfant GMFCS 2 ou 3 sans déformation (ou avec peu de déformation) présentation une spasticité diffuse d’un ou des deux membres inférieurs avec des objectifs fonctionnels d’amélioration des capacités de marche. Cependant les enfants GMFCS 4 et 5, d’autant plus d’un poids inférieur à 25-30 Kg (non éligibles à une pompe) sont aussi d’excellent candidats pour limiter au maximum l’apparition ou l’aggravation des déformations ostéo-musculo-tendineuses. Il convient d’être attentif à dépister chez l’enfant une dystonie associée. Si la dystonie est au premier plan, la radicotomie ne sera alors pas réalisée car elle ne sera d’efficacité que temporaire.
La radicotomie permet d’agir de manière sélective sur les différents groupes musculaire en sectionnant partiellement plus ou moins les différentes racines (entre 0 à 75% de T12 à S2). Cette planification est réalisée en concertation pluri-disciplinaire en fonction du bilan pré opératoire et des objectifs de la prise en charge. En effet, le degré de réduction de la spasticité nécessaire peut être différent d’un groupe musculaire à l’autre et d’un membre à l’autre. Par exemple, la réduction de la spasticité voulue sera moins importante sur les groupes musculaires plus faible en termes de force musculaire que sur des groupes musculaires plus fort. De plus, certains enfants ont une spasticité asymétrique entre les deux membres inférieurs et le schéma de section sera donc différent entre les deux membres inférieurs. Cette sélectivité est possible grâce à la réalisation d’un monitoring électrophysiologie per opératoire. En effet, la stimulation radiculaire de la racine ventrale permet d’obtenir une cartographie anatomique très précise du territoire d’innervation de chaque racine (les enfants spastiques ont des schémas d’innervation pluri-radiculaire de chaque groupe musculaire) et la stimulation de la racine dorsale permet d’obtenir le grade d’excitabilité de chaque racine (grade de Fasano). Les résultats de cette stimulation vont permettre d’affiner le pourcentage de section de la racine. Plus une racine sera excitable plus l’on devra la sectionner pour obtenir une réduction de la spasticité.
En général, le geste de radicotomie est réalisé dans un premier temps pour réduire la cause des troubles : la spasticité. Dans certaines indications tardives, des gestes musculo-tendineux associés nécessaire devant l’évolution orthopédique sont réalisés dans le même temps opératoire.
Un des principes essentiels du management est la prise en charge post opératoire au long cours des enfants en centre de rééducation spécialisé (soit en hospitalisation complète soit en hôpital de jour selon les ressources locales). En effet, une RPF isolée ne permet pas d’obtenir des résultats satisfaisant sur le long terme. Une rééducation de plusieurs mois est nécessaire pour optimiser l’amélioration du schéma de marche.
La neurotomie sélective (NS)
Elle du nerf musculaire est réservée aux patients présentant une spasticité focale ou multi focale, uni ou bilatérale. Un nerf musculaire ciblé contient d’une part des fibres nerveuses sensitives (essentiellement de type proprioceptif) en provenance du muscle et de son appareil tendineux correspondantes aux afférences des réflexes myotatique et polysynaptiques (fibres IA, IB et II), et d’autre part des fibres motrices (Alpha et Gamma) se destinant au muscle représentant notamment les efférences du même réflexe myotatique. On rappelle qu’aucune fibre sensitive à destinée du revêtement cutané n’est ici présente dans ces nerfs musculaires. Une neurotomie sélective entraîne donc une interruption partielle de l’ensemble de fibres dont l’intensité de section peut variée suivant les besoins de chaque patient / chaque muscle, mais se limite à un maximum de 4/5 du contingent total. L’effet prolongé d’une neurotomie sélective s’explique par son effet sur les fibres afférentes sensitives et non pas par la section de fibres motrices. Ainsi, réalisée partiellement de façon contrôlée au niveau du nerf musculaire, une neurotomie sélective permets de réduire l’hypertonie excessive, sans suppression du tonus musculaire utile, ni altération de la fonction motrice et sans risques sensoriels. Il convient d’être attentif à dépister chez l’enfant une dystonie associée. Si la dystonie est au premier plan, la neurotomie ne sera alors pas réalisée car elle ne sera d’efficacité que temporaire, ne pouvant s’opposer aux commandes motrices anormales descendantes sur les fibres motrices périphériques restantes.
Elle s’adresse aux enfants plus âgés (à partir de 9/10 ans) qui ont bénéficié préalablement d’injection de toxine botulique et pour lesquels il est souhaité une solution anti-spastique plus pérenne. Le geste est réalisé au niveau du nerf collatéral musculaire à son émergence du tronc nerveux principal. Une dissection au niveau inter fasciculaire est pratiquée sous microscope opératoire avec neuro monitoring par stimulation bi ou tripolaire et recueil des réponses motrices musculaires. Elle permet de différencier les fascicules les plus excitables qui sont sectionnés en priorité. Chez un même patient, plusieurs gestes de neurotomie peuvent être associés dans un même temps opératoire sur un même membre ou plusieurs.
Cependant, avant toute décision de neurotomie, il est recommandé d’anticiper le résultat par réalisation de blocs nerveux (par injection d’un anesthésique local) sur les nerfs innervant les muscles spastiques sélectionnés (ou aux points moteurs). Ce test permet pendant quelques heures, en fonction du produit utilisé, d’apprécier les conséquences de la réduction de l’influence du/des muscle(s) ciblé(s) sur la cinétique passive et active d’une articulation et les éventuelles conséquences fonctionnelles. Il permet également de déterminer un planning opératoire décrivant les cibles musculaires à atteindre et l’intensité de la section partielle à effectuer sur chacun.
Il est à noter que les effets préalables des injections de toxine botuliques sont aussi des bons prédicteurs du résultat d’une neurotomie pratiquée sur la même cible musculaire.
Les tableaux ci-dessous résument les schémas moteurs pathologiques les plus fréquents avec les muscles impliqués et le nerf responsable de leur innervation et dont les collatérales musculaires peuvent être ciblées.
Schémas moteurs spastiques pathologiques des membre inférieurs |
Muscles responsables | Nerfs |
Cuisse en Adduction | Groupes des adducteurs (long, court, magnus), gracile, obturateur externe, pectiné | Obturateur |
Extension de genou | Quadriceps (vaste médial, latéral, intermédiaire, droit fémoral) | Fémoral |
Flexion de genou | Groupe des ischio jambiers (semi membraneux, semi tendineux, biceps fémoral) | Sciatique |
Pied Varus | Tibial postérieur | Tibial |
Pied Équin | Gastrocnémiens, poplité, soléaire | Tibial |
Griffe des orteils | Fléchisseurs des orteils | Tibial |
Schémas moteurs spastiques pathologiques des membres supérieurs |
Muscles responsables | Nerfs |
Épaule en adduction | Grand et petit Pectoral | Anse des pectoraux |
Coude en flexion | Biceps brachial, Brachial | Musculo-cutané |
Coude en extension | Triceps brachial | Radial |
Poignet en pronation – flexion | Rond et carré pronateur Palmaires Fléchisseurs radial du carpe |
Médian au coude |
Poignet en flexion – inclinaison ulnaire | Fléchisseur ulnaire du carpe | Ulnaire au coude |
Flexion des interphalangiennes | Fléchisseurs superficiel et profond des doigts | Médian et Ulnaire |
Pouce dans la paume de la main | Adducteur et opposant du I | Ulnaire |
Doigts en col de cygne | Interosseux | Ulnaire |
Réponses
1) B, E
2) B, D, E
3) B, c, D, E
4) A, B, D, E
Références
1. Sindou M, Georgoulis G, Mertens P, Neurosurgery for spasticity. A practical guide for treating children and adults. Springer ; 2014
2. Novak I, Morgan C, Fahey M, Finch-Edmondson M, Galea C, Hines A, Langdon K, Namara MM, Paton MC, Popat H, Shore B, Khamis A, Stanton E, Finemore OP, Tricks A, Te Velde A, Dark L, Morton N, Badawi N. State of the Evidence Traffic Lights 2019 : Systematic Review of the Interventions for Preventing and Treating Children with Cerebral Palsy. Curr Neurol Neurosci Rep. 2020 Feb 21 ;20(2):3
3. Sindou MP, Simon F, Mertens P, Decq P. Selective peripheral neurotomy (SPN) for spasticity in childhood. Childs Nerv Syst. 2007 ; 23(9):957–970
4. Bollens B, Gustin T, Stoquart G, Detrembleur C, Lejeune T, Deltombe T. A randomized controlled trial of selective neurotomy versus botulinum toxin for spastic equinovarus foot after stroke. Neurorehabil Neural repair. 2013 ; 27 : 695-703
5. Steinbok P. Selective dorsal rhizotomy for spastic cerebral palsy : a review. Childs Nerv Syst 2007 23:981–990
6. Abbott R. The Selective dorsal rhizotomy technique for spasticity in 2020 : a review. Childs Nerv Syst 2020 36:1895-1905
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