5.2 CONDUITE A TENIR DEVANT UNE DECOMPENSATION DE MYELOPATHIE CERVICARTHROSIQUE.

QCM :

A. Après 10 ans d’évolution d’une myélopathie cervico arthrosique (MCA), environ 1 patient sur 2 aura une dégradation neurologique et de son autonomie.
B. La myélopathie cervico arthrosique touche environ 1% de la population de plus de 40 ans
C. La présence d’un syndrome hyper-réflexique est le signe clinique le plus sensible
D. Les troubles vésico-sphinctériens sont exceptionnels dans le cadre d’une MCA.
E. Plus le JOA score est élevé, plus l’indication chirurgicale est formelle dans une MCA.

La pathologie en chiffres

1ère cause d’atteinte de la moelle épinière dans les pays développés.
1ère indication chirurgicale du rachis cervical
La myélopathie cervicale touche jusqu’à 5 % des personnes âgées de plus de 40 ans.
41-605/million d’habitant sont touchés par la myélopathie cervicale (Amérique du Nord)
Profil et facteurs de risque : > 50 ans / homme / tabac / facteurs génétiques
Après 40 ans, 30 % de la population présente une dégénérescence arthrosique de la colonne cervicale et, après 60 ans, environ 90 % de la population.
Sans chirurgie, une dégradation neurologique et de l’autonomie est à redouter dans la myélopathie cervicarthrosique de 6 % à 1 an, 21 % à 2 ans, 28 % à 3 ans et 56 % à 10 ans.

Mémento didactique

Définition : pathologie dégénérative à l’origine d’une arthrose cervicale responsable d’une compression non traumatique, progressive et chronique de la moelle épinière.
Histoire naturelle : détérioration neurologique progressive dont souvent seule la prise en charge chirurgicale empêche le déclin neurologique des patients. Aggravation brutale possible en cas de traumatisme cervical.
Pathologie médullaire secondaire à un rétrécissement du canal rachidien dû à :

  • spondylarthrose dégénérative (+++)
  • sténose de développement,
  • ossification du ligament longitudinal postérieur.
    Physiopathologie : Dégénérescence de la colonne cervicale à l’origine d’une formation d’ostéophytes, subluxation vertébrale, arthrose facettaire ou hypertrophies articulaires.

Il s’agit d’un Tableau de compression médullaire lente avec fatigabilité à la marche, paresthésies aux mains, troubles sensitivomoteurs des membres supérieurs et/ou inférieurs puis sphinctériens d’évolution progressive
Syndrome pyramidal : hyperréflexie tendineuse (87%), signe de Babinski (54%), spasticité (54 %), signe de Hoffman (13%).
Atteinte motrice : faiblesse au niveau des membres supérieurs (31%), paraparésie (21%), hémiparésie (18%), tetraparésie (10%) associée parfois à une atrophie musculaire (13%).
Atteinte sensitive : niveau sensitif (41%), atteinte cordonale postérieure (39%), hypoesthésie systématisée à une racine (33%), paresthésies souvent distales (21%) ou signe de Romberg positif (15%).
Douleur : radiculalgie au niveau des membres supérieurs (41%), radiculalgie des membres inférieurs (13%) ou des cervicalgies sans irradiation (26%).
Troubles vésicosphinctériens : très fréquents (49%) bien que rarement au premier plan.

Diagnostics différentiels :
Syndromes canalaires (canal carpien) ; pathologies ostéo-articulaires ;
Sclérose en plaques ; diplégie brachiale (syringomyélie, trauma de moelle)
Sclérose Latérale Amyotrophique : Amyotrophie et fasciculations (EMG++)
Claudication vasculaire, radiculaires.

Bilan paraclinique :
IRM cervicale
 : examen de référence pour diagnostic (coupes sagittales et axiales T1 et T2). -gravité de la compression de la moelle, quantifier le diamètre antéropostérieur du canal et détecter les anomalies intrinsèques de la moelle (hypersignal T2). [13]
Facteurs de mauvais pronostic en IRM : hyperintensité T2 sur plusieurs niveaux médullaires ; hyperintensité T2 + hypointensité T1 sur un niveau ; différence importante d’intensité entre les niveaux comprimés et non comprimés [14]

Le TDM cervical : distinguer les ostéophytes des hernies discales en IRM, l’étendue de l’ossification du ligament longitudinal postérieur et/ou des ostéophytes.
Essentiel pour la planification préopératoire .

L’EMG ainsi que les PES PEM n’ont pas leur place en urgence. Les potentiels évoqués peuvent avoir une valeur pronostique et les potentiels évoqués moteurs localisateurs dans les atteintes mal systématisées.

Prise en charge
Médicale
 : antalgiques, AINS, corticothérapie, infiltration scanno-guidée. Pas d’immobilisation par minerve sauf si douleurs intenses (durée la plus courte possible).

Chirurgicale : recommandations de l’AOSPINE 2017 qui stratifie l’indication chirurgicale en fonction du score JOA (voir tableau1 et figure 1).

Table 1. Score Japanese Orthopedic Association Myelopathy Scoring system

Examen neurologique Score
Déficit moteur des membres inférieurs
Incapacité à marcher 0
Capable de marcher avec une aide 1
Capable de monter et descendre les escaliers avec une rampe 2
Manque de stabilité et de fluidité lors de la marche 3
Pas de dysfonctionnement 4
Déficit sensitif des membres inférieurs
Déficit sensitif sévère ou douleur 0
Déficit sensitif léger 1
Pas de déficit 2
Déficit sensitif du tronc
Déficit sensitif sévère ou douleur 0
Déficit sensitif léger 1
Pas de déficit 2
Troubles sphinctériens
Incapacité d’uriner 0
Difficulté majeure à uriner 1
Difficulté mineure à uriner 2
Pas de dysfonctionnement 3

Le JOA score permet de classer la gravité de la myélopathie :

  • faible : 15-17 ;
  • moyen :12-14 ;
  • sévère : < :11.

A partir d’un score moyen 14, l’indication chirurgicale est indiscutable.

L’objectif du traitement chirurgical est de stopper la dégradation clinique, l’amélioration des douleurs et surtout la prévention de détérioration secondaire +/- qualité de vie.

Technique chirurgicale :
Approche antérieure, postérieure ou combinée en fonction de la pathologie spécifique et de l’importance de la compression.
L’abord antérieur (discectomie + arthrodèse) est recommandé en cas de compression discale antérieure sur moins de 3 niveaux. La stratégie chirurgicale consiste à réséquer la barre ostéophytique et à restaurer une lordose cervicale. Des gestes de corporectomie sont parfois nécessaires.

L’approche postérieure est favorisée si :
1. sténose cervicale congénitale où l’élimination des ostéophytes ne permet toujours pas d’obtenir au moins ≈ 12 mm de diamètre du canal antéropostérieur
2. maladie sur ≥3 niveaux
3. pathologie postérieure primaire
4. certains cas d’ossification ligament longitudinal postérieur (l’approche antérieure présente un risque plus élevé de déchirure durale).

Syndrome d’Alajouanine-Schneider : contusion centrale de la moelle.
Traumatisme du sujet âgé porteur de cervicarthrose à l’origine d’une décompensation de la sténose cervicale.
Diplégie brachiale, tétraplégie incomplète avec atteinte variable des membres inférieurs et des membres supérieurs. Immobilisation par minerve rigide + hospitalisation.
Prise en charge encore controversée : rééducation puis décompression à froid (2-3 semaines) ou décompression précoce (dans les 48 heures).

Algorithme décisionnel

Réponses QCM :

AC

Références

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Johnathon R. McCormick, Andrew J. Sama, Nicholas C. Schiller, Alexander J. Butler and Chester J. Donnally. Cervical Spondylotic Myelopathy : A Guide to Diagnosis and Management
Daniel Shedid, Edward C Benzel. Cervical spondylosis anatomy : pathophysiology and biomechanics. Neurosurgery. 2007 Jan ;60(1 Supp1 1)
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Justin Gibson, Aria Nouri, Bryan Krueger, Nikita Lakomkin, Rani Nasser, David Gimbel, Joseph Cheng. Degenerative Cervical Myelopathy : A Clinical Review. Yale J Biol Med. 2018 Mar 28 ;91(1):43-48. eCollection 2018 Mar.
Tetreault LA, et al. Systematic review of magnetic resonance imaging characteristics that afect treatment decision making and predict clinical outcome in patients with cervical spondylotic myelopathy. Spine. 2013 ;38:S89-S110.
Rhee JM, Shamji MF, Erwin WM, et al. Nonoperative management of cervical myelopathy : a systematic review. Spine (Phila Pa 1976) 2013 ;38:S55–67
Moeti P, Marchetti G. Clinical outcome from mechanical intermittent cervical traction for the treatment of cervical radiculopathy : a case series. J Orthop Sports Phys Ther 2001 ;31:207–13
Michael G. Fehlings et al Clinical Practice Guideline for the Management of Patients With Degenerative Cervical Myelopathy : Recommendations for Patients With Mild, Moderate, and Severe Disease and Nonmyelopathic Patients With Evidence of Cord Compression
Michael G Fehlings et al, Anterior versus posterior surgical approaches to treat cervical spondylotic myelopathy : outcomes of the prospective multicenter AOSpine North America CSM study in 264 patients.
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Michael G et Al, A Clinical Practice Guideline for the Management of Patients With Acute Spinal Cord Injury : Recommendations on the Type and Timing of Rehabilitation. Global Spine J. 2017 Sep ;7(3 Suppl):231S-238S. doi : 10.1177/2192568217701910. Epub 2017 Sep 5.

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