#3. Gliomes diffus de bas grade de malignité
Fabien RECH, M.D., CHU Nancy ; Johan PALLUD, M.D., Ph.D., AP-HP, Hôpital St Anne, mars 2022.
QCM
1/ Les gliomes diffus de bas grade sont une pathologie
A. bénigne
B. incurable
C. infiltrante
D. du sujet âgé
E. fréquente
2/ Quels sont les grands groupes de gliomes diffus de bas grades ?
A. oligoastrocytome
B. astrocytome IDH muté
C. oligodendrogliome avec codeletion 1p19q
D. oligodendrogliome IDH non muté
E. astrocytome IDH non muté
3/ Les gliomes de bas grade :
A. peuvent être asymptomatiques en région éloquente
B. se manifestent le plus souvent par des déficits neurologiques
C. engendrent fréquemment de l’épilepsie
D. apparaissent en hypersignal FLAIR en IRM
E. sont hyperperfusés en IRM
4/ Concernant leur principe thérapeutique
A. la chimiothérapie est la 1ère ligne de traitement recommandée
B. le traitement curatif est possible
C. la chirurgie permet d’améliorer le pronostic oncologique
D. l’objectif chirurgical est de passer sous un volume de 10 mL
E. la chimiothérapie peut faire diminuer le volume tumoral
5/ Concernant la chirurgie
A. elle doit être réalisée en condition éveillée
B. la tumeur ne se distingue pas du parenchyme sain.
C. les limites chirurgicales doivent être discutées avec le patient
D. compte tenu des limites fonctionnelles, une seconde exérèse n’est pas possible
E. la plasticité sous-corticale est un facteur limitant
I. Epidémiologie et histoire naturelle
L’incidence des gliomes diffus de bas grade est de 1/105 1. Ils représentent environ 15 % des gliomes (réf.3). Il s’agit de tumeur touchant l’adulte jeune (30 – 40 ans). Leur croissance est lente (quantifiée à 4 mm d’augmentation du diamètre tumoral moyen / an) et leur évolution se fait vers la transformation en plus haut grade de malignité (à partir de 10-15 mL sont observées les 1ères transformations)2,3. Leur croissance peut être accélérée par la grossesse. La survie médiane varie de 5 à plus de 15 ans en fonction des données histomoléculaires et des stratégies thérapeutiques4.
II. Classification histo-moléculaire
Elle repose sur la classification de l’OMS 20215 avec deux principaux marqueurs moléculaires, la mutation IDH1/2 et la présence d’une codélétion 1p19q. Trois catégories de gliomes diffus sont ainsi définies :
- Les astrocytomes IDH non mutés (dits IDH sauvage ou wild-type),
- Les astrocytomes IDH mutés,
- Les oligodendrogliomes IDH mutés qui présentent obligatoirement une codélétion 1p19q.
La distinction histologique (astrocytome ou oligodendrogliome) repose aujourd’hui sur les marqueurs moléculaires et non plus sur l’aspect des cellules. Les oligo-astrocytome ou gliomes mixtes n’existent plus. Un travail de reclassification est donc à effectuer lors de la prise en charge d’un patient dont le prélèvement a été obtenu antérieurement ou lors d’un travail de recherche rétrospectif.
Le grade de malignité (2,3 ou 4) repose sur des critères histopathologiques et moléculaires (présence de mitoses, présence d’un néoangiogenèse, présence d’une nécrose, présence d’une mutation CDKN2A).
III. Clinique
La découverte peut être fortuite dans le cadre de bilans d’imageries (céphalées, vertiges) ou plus généralement peut se faire dans la cadre d’une crise d’épilepsie inaugurale. Malgré des volumes souvent conséquents, la symptomatologie clinique déficitaire est rare du fait d’une importante plasticité cérébrale. Toutefois les bilans neurocognitifs réalisés au diagnostic présentent des anomalies, souvent modérées, dans plus de 80% des cas6,7.
IV. Para-clinique
Les examens complémentaires reposent sur l’IRM cérébrale multimodale qui confirme le diagnostic de tumeur sous la forme d’un hypersignal FLAIR et permet d’identifier d’éventuelles zones en transformation au sein de la lésion (prise de contraste, hyperperfusion). Le scanner cérébral peut montrer des calcifications notamment dans le cadre des oligodendrogliomes. Le PET-scanner à la DOPA permet d’identifier d’éventuelles zone de transformation en plus haut grade de malignité au sein de la lésion et de cibler une éventuelle biopsie8.
Hors urgence (effet de masse, hypertension intracrânienne, transformation anaplasique suspectée) et en l’absence de symptomatologie déficitaire, une IRM de contrôle est recommandée à l’issue du bilan thérapeutique (idéalement à 3 mois) afin de permettre une quantification de la vitesse de croissance radiologique spontanée du gliome. Cette pente sera utilisée pour caractériser l’agressivité tumorale en sus des anomalies histo-moléculaire et aidera à définir la meilleure stratégie thérapeutique.
V. Principes thérapeutiques
Le traitement curatif n’est pas possible. L’objectif de la prise en charge thérapeutique est donc de stopper le cours évolutif du gliome et de retarder la transformation en plus haut grade de malignité tout en préservant au maximum la qualité de vie et en prolongeant la durée de vie sans altération de la qualité de vie9.
La stratégie thérapeutique est multimodale, échelonnée dans le temps et individualisée, en fonction des données histomoléculaires mais aussi de la qualité de vie du patient10. Les patients doivent être discutés en RCP locale, voire nationale, dans les cas complexes.
La chirurgie est le traitement de 1ère intention11,12. L’objectif est de retirer le maximum de tissu tumoral visualisé en IRM par l’hypersignal FLAIR (tout en rappelant que des cellules tumorales existent au-delà de toute anomalie IRM), au minimum passer sous la barre des 10mL (résection subtotale), au mieux tout retirer (résection totale) voire de prendre de la marge (résection supra-totale) sans engendrer de déficit neurologique et cognitif entravant la qualité de vie du patient13. Une discussion pré-opératoire avec le patient sur les objectifs oncologiques et fonctionnels (balance onco-fonctionnelle9) est indispensable et doit reposer sur les dernières connaissances oncologiques mais aussi fonctionnelles cérébrales afin de planifier les éventuels déficits postopératoires (réf.1 et 19). Après l’intervention neurochirurgicale, une rééducation adaptée doit être mise en place. Elle doit, idéalement, être planifiée avant même l’intervention.
Si une chirurgie n’est pas possible, une biopsie cérébrale sera réalisée suivie d’une chimiothérapie première (réf.24).
Une fois la chirurgie réalisée, la stratégie thérapeutique post-opératoire tient compte des données suivantes : le volume tumoral résiduel, la pente de croissance et les données histo-moléculaires. Cette stratégie peut donc inclure une surveillance, une chimiothérapie par Temozolomide ou PCV (procarbazine, CCNU, vincristine), une radiothérapie ou encore une association radiochimiothérapie.
La frontière entre les gliomes diffus de bas grade et de haut grade étant parfois floue, une surveillance rapprochée, y compris en cas de grade 3 histo-moléculaire, peut être proposée si des critères de bon pronostic sont présents15,16 (absence de résidu post-opératoire, cinétique de croissance radiologique lente, profil moléculaire favorable). Il convient de rappeler que le compte rendu anatomopathologique rend toujours sa conclusion sur le contingent tumoral le plus péjoratif et ne tient pas toujours compte de l’hétérogénéité tumorale. Il est parfois utile de discuter des conclusions avec l’anatomopathologiste, voire d’envisager des relectures nationales.
La radiothérapie est le plus souvent différée car entrainant des séquelles neurocognitives à moyen et long terme et doit donc se discuter en fonction de l’espérance de vie potentielle du patient.
La réponse à la chimiothérapie est variable, pouvant aller d’un infléchissement de la pente de croissance, à un plateau voire à des croissances négatives (et donc une réduction du volume tumoral) avec parfois des réponses prolongées après arrêt de la chimiothérapie. Dans certains cas, une chirurgie peut être réalisé après la chimiothérapie si les régions a priori non opérables se désinfiltrent et que le résidu attendu devient inférieur à 10-15 mL. On parle alors de chimiothérapie néoadjuvante14. (réf.24).
VI. Traitement chirurgical
Il repose sur la chirurgie d’exérèse tumorale maximale avec préservation fonctionnelle, nécessitant la réalisation d’une cartographie corticale et sous-corticale peropératoire en condition éveillée (réf.20, 21 et 25). Ce type de chirurgie a montré une amélioration de l’étendue d’exérèse tout en diminuant les séquelles fonctionnelles11–13.
Autant le cœur tumoral peut présenter un aspect macroscopiquement différent, autant sa périphérie est comparable au cerveau sain, tant dans l’aspect que la consistance. L’exérèse doit donc intégrer des limites oncologiques et fonctionnelles. Les limites oncologiques sont définies par un volume cible éventuel, la nécessité de retirer une prise de contraste tandis que les limites fonctionnelles sont définies avec le patient en fonction des réseaux fonctionnels envahis par la tumeur, particulièrement au niveau de la substance blanche (réf.19). La plasticité cérébrale jouant un rôle important dans ce type de tumeur, aucun a priori chirurgical ne doit être fait concernant la résécabilité du cortex (réf.20). En revanche la plasticité sous-corticale, c’est-à-dire au niveau des faisceaux de substance blanche, est nettement moins importante et sert à définir a priori la résécabilité et donc le volume résiduel potentiel de la tumeur. Ceci permet d’évaluer l’intérêt de la chirurgie par rapport au volume FLAIR résiduel prédictible17,18.
VII. Facteurs pronostiques et prédictifs
Plusieurs facteurs ont un intérêt pronostic au-delà du simple grade de malignité. Au niveau clinique, l’âge jeune (réf.22), Le parfait état général et neurologique et la révélation par des crises d’épilepsie sont des facteurs de bon pronostic. Au niveau radiologique, la cinétique de croissance radiologique inférieure à 8mm par an est un facteur de bon pronostic. Au niveau histo-moléculaire, la présence de la mutation IDH et la présence la co-délétion 1p19q sont des facteurs de bon pronostic. La présence d’une mutation CDKN2A est un facteur de mauvais pronostic. Concernant la chirurgie, le caractère total ou supra-total de l’exérèse est un facteur de bon pronostic19–21.
Points forts
- Pathologie chronique incurable
- Bénéfice avéré de la chirurgie sur la survie
- L’exérèse maximale guidée par la fonction améliore la balance onco-fonctionnelle
- La cartographie fonctionnelle per-opératoire en conditions éveillées est nécessaire
- Prise en charge individualisée pour préserver la qualité de vie des patients
Points faibles
- Classifications histo-moléculaires en perpétuel remaniement
- Continuum dans le grading de la malignité engendrant des difficultés thérapeutiques pour les formes intermédiaire (adjuvant versus surveillance)
Références annotées
Al-Tamimi YZ, Palin MS, Patankar T, MacMullen-Price J, O’Hara DJ, Loughrey C, Chakrabarty A, Ismail A, Roberts P, Duffau H, Goodden JR, Chumas PD. Low-Grade Glioma with Foci of Early Transformation Does Not Necessarily Require Adjuvant Therapy After Radical Surgical Resection. World Neurosurg. 2018 Feb ;110:e346-e354. doi : 10.1016/j.wneu.2017.10.172. Epub 2017 Nov 10. PMID : 29129767.
Cet article expose différents cas dans lesquels des gliomes de bas grade avec foyers de transformation en haut grade ont bénéficié d’une surveillance plutôt que d’une radiochimiothérapie, illustrant le continuum dans le grading de la malignité.
Lemaitre AL, Herbet G, Ng S, Moritz-Gasser S, Duffau H. Cognitive preservation following awake mapping-based neurosurgery for low-grade gliomas : a longitudinal, within-patient design study. Neuro Oncol. 2021 Nov 26:noab275. doi : 10.1093/neuonc/noab275. Epub ahead of print. PMID : 34850187.
Cet article objective la bonne préservation cognitive des patients opérés en condition éveillée.
Hamdan N, Duffau H. Extending the multistage surgical strategy for recurrent initially low-grade gliomas : functional and oncological outcomes in 31 consecutive patients who underwent a third resection under awake mapping. J Neurosurg. 2021 Sep 10:1-10. doi : 10.3171/2021.3.JNS21264. Epub ahead of print. PMID : 34507287.
Cet article montre que les patients peuvent bénéficier jusqu’à 3 exérèses tumorales basées sur la fonction, en condition éveillée, avec un bon pronostic oncologique et fonctionnel justifiant de discuter de l’option chirurgicale à chaque évolution significative de la maladie.
Réponses QCM
1/ Les gliomes diffus de bas grade sont une pathologie
A.bénigne
B.incurable
C.infiltrante
D.du sujet âgé
E.fréquente
2/ Quels sont les grands groupes de gliomes diffus de bas grades ?
A.oligoastrocytome
B.astrocytome IDH muté
C.oligodendrogliome avec codeletion 1p19q
D.oligodendrogliome IDH non muté
E.astrocytome IDH non muté
3/Les gliomes de bas grade :
A.peuvent être asymptomatiques en région éloquente
B.se manifestent le plus souvent par des déficits neurologiques
C.engendrent fréquemment de l’épilepsie
D.apparaissent en hypersignal FLAIR en IRM
E.sont hyperperfusés en IRM
4/Concernant leur principe thérapeutique
A.la chimiothérapie est la 1ère ligne de traitement recommandée
B.le traitement curatif est possible
C.la chirurgie permet d’améliorer le pronostic oncologique
D.l’objectif chirurgical est de passer sous un volume de 10 mL
E.la chimiothérapie peut faire diminuer le volume tumoral
5/Concernant la chirurgie
A.elle doit être réalisée en condition éveillée
B.la tumeur ne se distingue pas du parenchyme sain.
C.les limites chirurgicales doivent être discutées avec le patient
D.compte tenu des limites fonctionnelles, une seconde exérèse n’est pas possible
E.la plasticité sous-corticale est un facteur limitant
Ressources
Lien vers la RCP RENOCLIP nationale Gliome de Bas Grade
https://www.anocef.org/download/RCP_NationalesNO-2021.pdf
Ressources bibliographiques
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21. Pallud, J. et al. Prognostic value of initial magnetic resonance imaging growth rates for World Health Organization grade II gliomas. Annals of Neurology 60, 380–383 (2006).
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