#3.4 Pose de dérivation ventriculaire externe
Matthieu FAILLOT, M.D., Stéphane GOUTAGNY, M.D., Ph.D., Hôpital Beaujon, APHP, janvier 2023
QUESTIONS :
1. Concernant l’indication de la dérivation ventriculaire externe (DVE) :
A. Ne doit pas être posée avant sécurisation de l’anévrisme dans l’hémorragie méningée
B. Est utilisée en traumatologie cérébrale pour contrôler la pression intracrânienne chez certains patients
C. Peut servir à injecter des substances fibrinolytiques ou des antibiotiques
D. Est le seul traitement de l’hydrocéphalie non communicante
2. La pose de dérivation ventriculaire externe (DVE) :
A. Sa pose peut être neuronaviguée ou guidée à l’aide d’un échographe
B. Le cathéter doit être enfoncé à au moins 7 cm de la table externe
C. Peut endommager le fornix
D. Une trajectoire partant d’un point coronal droit et visant le nasion permet toujours de cathétériser le ventricule
E. Le point d’entrée est situé en arrière de la suture coronale pour ne pas endommager le cortex prémoteur
3. Concernant la prévention des infections :
A. L’utilisation d’un protocole permet de diminuer le taux d’infection
B. La tunnelisation du cathéter sur un trajet sous cutané assez long permet de diminuer le risque d’infection
C. Le risque d’infection n’augmente pas avec la durée du drainage ventriculaire
D. Les germes les plus fréquemment retrouvés sont des staphylocoques
E. Il existe des cathéters imprégnés d’argent
4. Concernant la surveillance de la dérivation ventriculaire externe (DVE) :
A. Il est possible de surveiller la pression intracrânienne via le cathéter de DVE et de drainer du LCS en même temps
B. Il faut maintenir le système de drainage clampé pendant les transports
C. Certains dispositifs de recueil disposent d’un filtre permettant d’empêcher la migration d’air vers le cerveau
D. Il faut réaliser des prélèvements microbiologiques quotidiens sur le robinet proximal
5. Concernant le sevrage et l’internalisation :
A. Il faut réaliser un prélèvement de LCS avant l’internalisation
B. On attend parfois plusieurs échecs d’épreuves de clampage avant d’internaliser
C. Le sevrage peut être réalisé en diminuant progressivement la hauteur de la poche de recueil
D. Les échecs de sevrage sont plus fréquents chez les patients traumatisés crâniens que chez les patients avec hémorragie méningée anévrismale
MEMENTO DIDACTIQUE
La dérivation ventriculaire externe (DVE), ou ventriculostomie, est le geste de base de la neurochirurgie. La technique est simple et doit être rapidement maitrisée par tout neurochirurgien, dès le début de son internat. Physiologie de la sécrétion et de la circulation du LCS
Indication :
Les DVE sont souvent indiquées en urgence pour le traitement d’une hydrocéphalie aigue, ou d’une hypertension intracrânienne.
Figure. Schéma d’un système de dérivation ventriculaire externe dont le cathéter est implanté dans la corne frontale droite de ce patient dont la tête est positionnée en rectitude.
Il faut toutefois s’interroger avant toute pose de DVE s’il existe une alternative, notamment la réalisation d’une ventriculocisternostomie en cas d’hydrocéphalie non communicante. La DVE peut également servir à administrer des médicaments : fibrinolyse intraventriculaire dans hémorragies intraventriculaires, antibiotiques lors de ventriculites infectieuses et permet l’administration d’antibiotiques en intrathécal.
Contre-indications :
Il s’agit principalement des troubles de l’hémostase et des traitements anticoagulants/antiagrégants. En cas d’urgence vitale, ces contre-indications sont relatives et doivent être discutées au cas par cas. Une infection évolutive est une contre-indication relative, l’urgence de l’hypertension intracrânienne prévaut souvent sur le risque infectieux.
Matériel :
Il existe plusieurs types de cathéters de dérivation ventriculaire externe. Ils différent principalement selon leur longueur, leur diamètre, la présence de graduations guidant l’introduction, le nombre et le diamètre des orifices percés à leur extrémité. La plupart des cathéters sont en silicone, parfois imprégnés d’antibiotiques ou d’argent dans l’objectif d’une diminution du risque infectieux. Un mandrin métallique inséré dans le cathéter permet de le rendre plus rigide lors de la traversée du parenchyme.
Un système de recueil dédié, stérile, en circuit clos, est connecté au cathéter ventriculaire. Il permet à la fois le réglage du niveau de drainage prescrit et la surveillance de l’écoulement et le recueil en conditions stériles du LCS. Des systèmes optionnels sont parfois disponibles selon les fabricants : niveau à bulle pour mesurer le 0, burette graduée pour mesurer le volume de LCS, robinet pour recueil ou adaptation d’une tête de pression.
Pose :
La pose est réalisée au bloc opératoire ou en réanimation, selon l’habitude de chaque centre, mais toujours dans des conditions parfaitement stériles. La tonte (complète ou limitée) dépend des situations cliniques et des protocoles de chaque centre. La pose est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale en raison de la situation clinique (gravité et contexte réanimatoire). La tête du patient doit être maintenue immobile pendant le geste.
La technique usuelle consiste à introduire le cathéter ventriculaire dans la corne frontale du ventricule latéral homolatéral au point d’entrée, en visant le foramen de Monro, afin que les ouvertures du cathéter soient libres dans la cavité ventriculaire. Le point d’entrée est généralement situé au point de Kocher (11 cm en arrière du nasion, 2 à 3 cm de la ligne médiane). Ce point d’entrée est toujours en avant de la coronale. Un trou de mèche, ou un trou de trépan peuvent être utilisés, perpendiculaires à la voûte crânienne. "VIDEO JNE 2021 : Troubles liquidiens en pédiatrie : ce que tout neurochirurgien doit savoir."
On réalise une incision cruciforme, de petite taille, de la dure mère. Le cortex peut être coagulé à minima au point d’entrée. La visée à main levée est orientée en « double obliquité », c’est à dire dirigée vers le canthus interne homolatéral (voire controlatéral) dans le plan coronal, et vers le conduit auditif externe dans le plan sagittal. L’utilisation de champs transparents peut aider à visualiser ces repères pendant la procédure. Il est important de comprendre que ces repères de pose à main levée ne sont pas entièrement fiables et qu’il faut s’adapter à l’anatomie de chaque patient 1. Les ventricules sont généralement à moins de 6 cm de la table externe. Ainsi l’absence d’issue de liquide cérébrospinal après avoir enfoncé le cathéter de 6cm signale un problème avec la trajectoire.
La traversée de l’épendyme est perçue par l’opérateur comme une augmentation de la résistance à l’avancement du cathéter, suivie d’une diminution brutale de la résistance, et de l’issue de LCS. Une fois en place dans le ventricule latéral, il est préférable de retirer le stylet métallique si on souhaite mobiliser le drain, ceci afin de ne pas créer de lésions des structures sous corticales, en particulier du fornix. Le LCS prélevé est généralement prélevé pour analyses (biochimie, bactériologie).
Tunnelisation et Connexion :
Le drain est connecté à une alène et tunnelisé en sous cutané. Une tunnelisation sous cutanée (d’au moins 5 cm) est associée à une diminution du taux d’infection. Une fois la tunnelisation effectuée, on coupe le drain un peu en amont de l’alène et le connecteur fourni avec le kit de DVE est installé. Il est essentiel que la DVE soit solidement fixée à la peau par plusieurs points afin d’empêcher tout déplacement secondaire 2. L’incision cutanée est refermée, idéalement en deux plans. Il faut se méfier de ne pas perforer le cathéter avec l’aiguille de suture ou des agrafes.
Certains fabricants proposent des systèmes où la DVE est insérée dans le crane à travers un écrou (analogue à ceux utilisés pour la pose de capteurs de pression intracrânienne), qui permet également de fixer le cathéter.
Le circuit de DVE
La dernière étape de la réalisation d’une DVE, réalisée de manière stérile, consiste à connecter le drain au circuit de recueil. Celui-ci comporte une tubulure, un robinet proximal (le plus proche de la tête du patient), un robinet distal (le plus proche de la poche de recueil), des clamps, et une poche de recueil ou réceptacle. Divers systèmes dédiés sont disponibles sur le marché.
Il est possible de connecter au circuit une tête de pression (identique à celles utilisées pour la mesure invasive de la pression artérielle en réanimation), qui permet de mesurer directement la pression intracrânienne lorsque la DVE est clampée. Il est possible de fixer la partie proximale du circuit de DVE au scalp mais il faut ici réaliser des fixations lâches afin d’éviter des escarres par compression de la peau par le plastique. Le sommet du réceptacle est équipé d’un filtre visant à empêcher la migration d’air depuis le réceptacle vers le patient. Ce filtre devient inefficace s’il est mouillé par le LCS contenu dans le réceptacle. Ainsi il convient de toujours maintenir le réceptacle en position verticale, par exemple pendant les transports. Enfin en raison du risque d’hyperdrainage, le circuit de DVE doit absolument être maintenu clampé pendant les transports.
Complications :
Les complications hémorragiques sont fréquentes. Elles sont liées à la pose et prennent surtout la forme de saignements sur le trajet du cathéter. Même en l’absence de manifestations cliniques, il est fréquent de visualiser des sédiments hémorragiques sur le trajet du cathéter sur des IRM réalisées à distance de son retrait.
On estime qu’il existe des occlusions de DVE chez environ un patient sur cinq, liées à des déplacements, des caillotages ou l’accumulation de débris. Il est important de procéder à un scanner systématique avant de réaliser toute mobilisation du drain ou manœuvre visant à déboucher le circuit. Il a été montré que l’aspiration au travers du cathéter est associée à des lésions hémorragiques si certains des orifices sont situés dans le parenchyme cérébral.
Enfin les complications infectieuses sont les plus redoutées. Il faut différencier la colonisation de l’infection 3. Les germes les plus fréquents sont ceux de la flore cutanée, en particulier les staphylocoques. Les infections sont d’autant plus fréquentes que le drainage est prolongé 4. Les déconnexions du circuit représentent un risque infectieux majeur. L’asepsie pendant la pose du drain est fondamentale. Plusieurs études, dont un essai clinique, ont montré que les cathéters imprégnés d’antibiotiques ou d’argent sont associés à une diminution du taux d’infection mais leur impact sur l’écologie bactérienne n’est pas connu. Il a également été montré que l’adoption de protocoles concernant la pose, les soins infirmiers et la surveillance des DVE était associée à une diminution du taux d’infection 5.
En cas de mauvaise position du cathéter de DVE, démontrée au scanner, on peut parfois, en conditions stériles, mobiliser le drain vers l’extérieur. L’inverse, c’est-à-dire enfoncer un cathéter de DVE vers le parenchyme, n’est pas recommandé en raison du risque infectieux. Il faut alors préférer la pose d’un nouveau cathéter en conditions stériles
Situations particulières :
Pose de DVE chez un patient avec de petits ventricules
En cas de pose de DVE chez un patient avec de petits ventricules (eg. traumatologie), l’écoulement de liquide peut se tarir sans que la DVE soit mal placée. Il est recommandé de ne pas mobiliser le drain et de réaliser une imagerie.
Repose de cathéter
Il est préférable de choisir un nouveau trajet (et donc un nouveau point d’entrée) lors de la repose d’une DVE afin de diminuer le risque infectieux.
Spécificités de la DVE neuronaviguée :
Les techniques de neuronavigation, optiques ou magnétiques, permettent de sécuriser la pose du drain, et évitent d’avoir à réaliser plusieurs trajets dans le parenchyme cérébral, en particulier dans le cas des patients avec des petits ventricules. Il existe également d’autres outils (échographie, calcul de l’angle d’insertion par smartphone) pour guider la pose des cathéters et ainsi diminuer les risques de malposition.
Prescription du niveau de drainage :
Le niveau de drainage est prescrit en fonction de la pathologie traitée. Le réglage de la hauteur de drainage est réalisé sur le réceptacle. Il s’agit de régler la hauteur du point de la burette de drainage. Le niveau zéro de référence de la pression intracrânienne se situe au niveau des foramens de Monro, soit environ de niveau du conduit auditif externe chez un patient en décubitus. La hauteur de drainage est prescrite le plus simplement en mm d’eau, mesure directe de la hauteur de la colonne d’eau nécessaire pour que le LCS soit drainé. Dans le cas de l’hémorragie méningée anévrismale, il est préférable de maintenir le niveau de drainage afin de ne pas faire chuter la pression intracrânienne de manière excessive, et risquer un resaignement : une hauteur entre +150 et +200 mmH20 est un bon compromis avant la sécurisation de l’anévrisme.
Sevrage :
La stratégie de sevrage doit être réfléchie dès la pose de DVE. Il n’y a pas de consensus dans la littérature. Deux principaux schémas peuvent être proposés : augmenter progressivement la hauteur de la poche de recueil chaque jour jusqu’à +200 mmH20 puis clamper, ou bien réaliser directement un test de clampage. Certaines études suggèrent que des tests de clampages réalisés quotidiennement permettraient un sevrage plus rapide et diminueraient le taux d’internalisation 6. Les critères d’échec d’un test de clampage sont avant tout cliniques (céphalées, troubles de la conscience). L’augmentation de la pression intracrânienne et l’augmentation du volume ventriculaire sur une imagerie réalisée à 24/48h sont également des critères d’échecs. Les stratégies de sevrage doivent être adaptées à la pathologie traitée. Par exemple, chez les patients présentant une hémorragie méningée anévrismale, les troubles de la résorption du LCS ont tendance à diminuer avec le temps. Il faut donc savoir relativiser la valeur d’une épreuve de clampage négative réalisée trop précocement.
Internalisation :
La décision d’internalisation doit être discutée au cas par cas, en fonction des résultats des tests de clampage. Il faut savoir attendre plusieurs tests de clampage, en particulier dans l’hémorragie méningée afin de ne pas internaliser par excès. A l’inverse, chez certains patients il est sans doute préférable de réaliser une internalisation précoce afin de limiter les complications liées au drainage ventriculaire externe prolongé. Avant l’internalisation, il est nécessaire de s’assurer que le LCS est stérile. L’hyperprotéinorachie et l’augmentation du nombre de globules rouges sont considérés comme des facteurs de risque de dysfonction de dérivation interne, sans réelle preuve dans la littérature. Techniques chirurgicales : implantation d’une dérivation ventriculo-péritonéale.
POINTS FORTS
- Il s’agit d’un geste simple qui doit être maitrisé dès le début de l’internat.
- Les outils de neuronavigation permettent de sécuriser ce geste.
- Il faut limiter au maximum la durée du drainage pour prévenir le risque d’infection.
POINTS FAIBLES
- Il s’agit d’un geste associé à une forte morbidité, en particulier infectieuse.
- Le sevrage de la DVE est parfois difficile en particulier dans le contexte de l’hémorragie méningée
REPONSES AUX QUESTIONS :
- BC
- AC
- ABDE
- BC
- AB
REFERENCES :
1. Raabe, C., Fichtner, J., Beck, J., Gralla, J. & Raabe, A. Revisiting the rules for freehand ventriculostomy : a virtual reality analysis. Journal of Neurosurgery 128, 1250–1257 (2018).
Une étude simulant la pose de DVE sur 50 sujets avec une anatomie normale. L’étude montre qu’aucun des repères de pose à main levée ne permet de cathéteriser la corne frontale du ventricule homolatéral chez 100% des patients.
2. Akarca, D. et al. An Evaluation of Commonly Used External Ventricular Drain Securement Methods in a Porcine Model : Recommendations to Improve Practice. World Neurosurg 110, e197–e202 (2018).
Une étude bio-mécanique évaluant la résistance de différentes méthodes de fixation de DVE. Elle montre l’importance de fixer la DVE en plusieurs points.
3. Tunkel, A. R. et al. 2017 Infectious Diseases Society of America’s Clinical Practice Guidelines for Healthcare-Associated Ventriculitis and Meningitis. Clin Infect Dis 64, e34–e65 (2017).
Recommandations nord-américaines sur la prise en charge des méningites et ventriculites nosocomiales
4. Jamjoom, A. A. B. et al. Prospective, multicentre study of external ventricular drainage-related infections in the UK and Ireland. J Neurol Neurosurg Psychiatry 89, 120–126 (2018).
Une étude réalisée par le groupe de recherche des internes britanniques étudiant le taux d’infection après pose de DVE. Une durée de drainage > 8 jours était associée à une augmentation du risque d’infection.
5. Korinek, A.-M. et al. Prevention of external ventricular drain—related ventriculitis. Acta Neurochir (Wien) 147, 39–45 ; discussion 45-46 (2005).
Une étude montrant l’efficacité de l’adoption d’un protocole avec faisceau de mesures pour prévenir les infections de DVE.
6. Chung, D. Y. et al. Association of External Ventricular Drain Wean Strategy with Shunt Placement and Length of Stay in Subarachnoid Hemorrhage : A Prospective Multicenter Study. Neurocrit Care 36, 536–545 (2022).
Une étude comparant le sevrage progressif de la DVE à des épreuves de clampage quotidiennes dans l’hémorragie méningée.
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