3.2 Athérosclérose intracrânienne.

François Proust, M.D., Ph.D., CHRU Strasbourg, Solène Moulin, M.D., Ph.D., CHU Reims, janvier 2021

Questions

1. L’athérosclérose intracrânienne se caractérise par :
A. Une atteinte des artères de calibre < 300 µm.
B. Une prédominance des lésions au niveau de l’artère péricalleuse.
C. Une prévalence de 80-95% au-delà de 65 ans.
D. Une prédominance chez les afro-américains.
E. Un développement de la plaque au niveau adventitiel

2. Les topographies prédominantes sont :
A. Le siphon carotidien pour la circulation antérieure.
B. Le segment P1 de l’artère cérébrale postérieure
C. La portion proximale de l’artère vertébrale.
D. Le 1/3 supérieur de l’artère basilaire.
E. Segment M1 de l’artère cérébrale moyenne.

3. Les mécanismes de l’infarctus cérébral dans l’athérosclérose intracrânienne sont :
A. Occlusion d’ostium par plaque sur M1.
B. Inflammation de plaque athéroscléreuse.
C. Migration embolique.
D. Une hypoperfusion parenchymateuse.
E. Un vol circulatoire.

4. Le traitement de l’athérosclérose intracrânienne comprend :
A. Traitement du diabète.
B. Lutte contre la sédentarité.
C. Une pression artérielle systolique d’au minimum 140 mmHg.
D. Clopidrogel en monothérapie.
E. Le stenting et angioplasties sont des procédures communes.

Memento didactique

L’athérosclérose est une lésion focale de la paroi des artères de gros et moyen calibre déterminant un épaississement pariétal sténosant (1). L’intima, anormalement enrichie en cellules musculaires lisses, est soulevée une plaque faite de dépôts sous-intimaux à 2 composantes : athérome et sclérose. La formation de la plaque est le résultat de l’interaction entre la limitante élastique interne - ses propriétés de rétention hydrophobe – et l’intima pathologique secondaire à la migration, la prolifération et la dédifférenciation phénotypique des cellules musculaires lisses.
Vidéo : Endartériectomie carotidienne : indications, techniques, résultats. Bernard Irthum, 2016.

1. Description morpho-pathologique
L’athérosclérose intracrânienne concerne les grosses artères cérébrales de la base du crâne d’un diamètre (1 - 4 mm) à celles, moyennes et petites de l’espace sous-arachnoïdien (> 300 µm). Pour les artères de plus petit calibre, leurs parois peuvent être l’objet de dilatations type anévrisme de Charcot et Bouchard ou de sténose par épaississement de la média et lipohyalinose
Vidéo : Prise en charge des infarctus cérébraux : ce que le neurochirurgien doit savoir. - Tae-Hee Cho
Les topographies les plus fréquentes par ordre décroissant sont l’artère basilaire, l’artère carotide interne, l’artère cérébrale moyenne, les artères vertébrales intra durales, l’artère cérébrale postérieure et l’artère cérébrale antérieure (2). La prévalence apparaît corrélé à des facteurs comme l’âge et l’ethnie : i) 10% chez les 20-29 ans et 80-95% au-delà de 65 ans ; ii) la prévalence de l’athérosclérose intracrânienne conduisant à l’AVC serait de 3 / 100 000 individus caucasiens, et de 15 / 100 000 afro-américains.
La particularité de l’athérosclérose intracrânienne est la fibrose précoce intimale et adventitielle, les plaques chez sujet âgé, la néovascularisation de la média par les vaso vasorum. Les modifications inflammatoires des plaques sont plus fréquentes en raison du déficit d’inhibition de l’inflammation et l’absence de limitante élastique externe (3). Les facteurs de risque de l’athérosclérose intracrânienne sont l’âge, l’hypertension, le diabète et les syndromes d’hyperlipidémies.
Dans la circulation antérieure, le siège prédominant extracrânien est le bulbe carotidien et l’origine de la carotide interne, le risque d’infarctus est élevé si la sténose dépasse 70% en diamètre. Les caractéristiques de la plaque sont également un argument. En intracrânien, le siphon carotidien, le segment M1et le segment A1 sont les topographies habituelles jusque 62% des cas.
Dans la circulation postérieure, l’origine de l’artère vertébrale est le siège prédominant. En intracrânien, l’artère vertébrale et la portion inférieure de l’artère basilaire sont fréquemment impliquées. Elles mettent en jeu les artères perforantes paramédianes de la protubérance, du mésencéphale et du thalamus, ainsi que les artères circonférentielles courtes. Occasionnellement, des plaques sont observées sur les segments P1 et P2 de l’artère cérébrale postérieure.

2. Diagnostic et infarctus
Le diagnostic est établi par la mesure de l’augmentation de vélocité par Doppler transcrânien ou sténose de la lumière par CT angioscanner (sensibilité 95% et spécificité de 100%) ou ARM (sensibilité 66% et spécificité de 87%). Pour confirmer l’étiologie artérioscléreuse d’une sténose luminale, d’autres arguments sont nécessaires : athérosclérose coronaire ou systémique.
Une ischémie cérébrale secondaire à une athérosclérose intracrânienne se fait selon 3 mécanismes isolées ou combinés : une hypoperfusion (infarctus jonctionnel), une embolie (infarctus distal bien limité) ou une occlusion par extension d’une plaque vers un ostia (lacune) (3). L’athérosclérose intracrânienne serait la cause de 10% des infarctus cérébraux mais une importante variation était notée selon l’ethnie : 9% chez les caucasiens, 17% chez les Afro-américains et 34% chez les asiatiques. Les infarctus peuvent être lacunaires, sous-corticaux ou corticaux. Des dégénérescences sous-corticales par hypoperfusion peuvent participer à l’instauration des troubles cognitifs, d’un syndrome dépressif.
Le risque d’un infarctus cérébral dans le territoire d’une sténose artérielle est de 11-12% par an mais passe à 22% si la sévérité de sténose dépasse 70% du diamètre artérielle (1).

3. Traitement

a) Le traitement antithrombotique
Les différents essais randomisés entre anticoagulants, antiaggragants et angioplastie aboutissent à une proposition de traitement (1-3).
La stratégie proposée combine plusieurs actions :

  • Suppression des facteurs de risque par une modification des habitus de vie que sont sédentarité, tabagisme, traitement du diabète et surcharge pondérale.
  • Une pression artérielle systolique < 140 mmHg,
  • LDL cholestérol < 1.81 mmol/L.
  • Traitement antiagrégant plaquettaire pour les sténoses < 70% (Aspégic 375 mg/j) et pour les sténoses de 70% à 99% avec évènement ischémique dans les 30 jours, double antiagrégation Aspégic et clopidrogel durant 90 jours puis Aspégic seul. Les anticoagulants ne sont pas retenu (4).
    b) Le traitement endovasculaire
    Les différents essais randomisés ont montré (niveau de preuve 1) le caractère délétère de ces procédures en raison des complications procédurales (5). Elles sont actuellement réservées aux situations réfractaires à un traitement médical maximal (6).
    Vidéo : Pathologie sténo-occlusive intra-crânienne. TTT endovasculaire - Jean-Christophe Gentric, 2016.

c) Revascularisation chirurgicale
L’essai randomisé de revascularisation cérébrale pour traiter l’encéphalopathie vasculaire sténo-occlusive a révélé une morbidité et mortalité significativement augmenté dans le bras chirurgical par comparaison avec le bras médical (7). Cependant, ces stratégies méritent d’être discuté en période stable, i.e. à distance d’évènements ischémiques. En effet, la morbidité procédurale de l’essai COSS survenait durant les 14 premièrs jours mais l’évolution à plus long terme était en faveur de la stratégie de revascularisation (8-10).
Vidéo : Méthodes d’évaluation radiologiques avant chirurgie de revascularisation cérébrale. - Laurent Thines, 2016.
Vidéo : Pourquoi revasculariser ? - François Proust, 2016.
Les procédures de revascularisation indirecte n’ont pas été démontrée comme efficace à l’opposé de ce qui est observé chez l’enfant dans la maladie de Moyamoya.

Points forts

  • Une prévalence élevée : 80%-95% au-delà de 65 ans.
  • Valeur diagnostique de l’angioscanner cérébral : sensibilité 95% et spécificité 100%.
  • Un traitement médical combinant la lutte contre les facteurs de risque et l’antiagrégant Aspégic à 375 mg/jour.

Réponses

1CD, 2ACE, 3ACD, 4AB.

Références annotées

1. Powers WJ, Clarke WR, Grubb RL, Jr., Videen TO, Adams HP, Jr., Derdeyn CP. Extracranial-intracranial bypass surgery for stroke prevention in hemodynamic cerebral ischemia : the Carotid Occlusion Surgery Study randomized trial. Jama. 2011 ;306(18):1983-92.
Essai randomisé, ouvert, comparant l’incidence des AVC dans les 2 ans suivant l’inclusion dans l’un des bras médical (n = 97) au bras de revascularisation artère temporale superficielle-artère cérébrale moyenne (n = 98). A 2 ans, les taux étaient respectivement de 22.7% versus 21%, cette différence était liée à 14% d’AVC ischémique dans le bras chirurgical versus 2% dans le bras médical durant les 14 premiers jours.

2. Chimowitz MI, Lynn MJ, Derdeyn CP, Turan TN, Fiorella D, Lane BF, et al. Stenting versus aggressive medical therapy for intracranial arterial stenosis. The New England journal of medicine. 2011 ;365(11):993-1003.
Essai randomisé démontre la majoration de morbidité péri-procédurale après angioplastie et stenting par comparaison avec un bras médical.

3. Chimowitz MI, Lynn MJ, Howlett-Smith H, Stern BJ, Hertzberg VS, Frankel MR, et al. Comparison of warfarin and aspirin for symptomatic intracranial arterial stenosis. The New England journal of medicine. 2005 ;352(13):1305-16.
Essai randomisé, en double aveugle, démontre l’augmentation des effets secondaires des anticoagulants et l’absence de bénéfice par comparaison avec l’Aspégic.

Références

1. Mazighi MM, O ; Michel J.B. ; Amarenco, P. Athérosclérose extra et intracrânienne. Accidents vasculaires cérébraux2009. p. 423.
2. Qureshi AI, Caplan LR. Intracranial atherosclerosis. Lancet (London, England). 2014 ;383(9921):984-98.
3. Holmstedt CA, Turan TN, Chimowitz MI. Atherosclerotic intracranial arterial stenosis : risk factors, diagnosis, and treatment. The Lancet Neurology. 2013 ;12(11):1106-14.
4. Chimowitz MI, Lynn MJ, Howlett-Smith H, Stern BJ, Hertzberg VS, Frankel MR, et al. Comparison of warfarin and aspirin for symptomatic intracranial arterial stenosis. The New England journal of medicine. 2005 ;352(13):1305-16.
5. Chimowitz MI, Lynn MJ, Derdeyn CP, Turan TN, Fiorella D, Lane BF, et al. Stenting versus aggressive medical therapy for intracranial arterial stenosis. The New England journal of medicine. 2011 ;365(11):993-1003.
6. Mazighi MN, N ; KLein I ; Larrue V. Athérosclérose intracrânienne. In : Doin, editor. Accidents vasculaires cérébraux Thérapeutique2018. p. 317.
7. Powers WJ, Clarke WR, Grubb RL, Jr., Videen TO, Adams HP, Jr., Derdeyn CP. Extracranial-intracranial bypass surgery for stroke prevention in hemodynamic cerebral ischemia : the Carotid Occlusion Surgery Study randomized trial. Jama. 2011 ;306(18):1983-92.
8. Grubb RL, Jr., Powers WJ, Clarke WR, Videen TO, Adams HP, Jr., Derdeyn CP. Surgical results of the Carotid Occlusion Surgery Study. Journal of neurosurgery. 2013 ;118(1):25-33.
9. Reynolds MR, Derdeyn CP, Grubb RL, Jr., Powers WJ, Zipfel GJ. Extracranial-intracranial bypass for ischemic cerebrovascular disease : what have we learned from the Carotid Occlusion Surgery Study ? Neurosurgical focus. 2014 ;36(1):E9.
10. Gunawardena M, Rogers JM, Stoodley MA, Morgan MK. Revascularization surgery for symptomatic non-moyamoya intracranial arterial stenosis or occlusion. Journal of neurosurgery. 2019 ;132(2):415-20.

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