#2.2 Tumeurs médullaires non épendymaires : généralités

Fabien ALMAIRAC, MD, Ph.D, CHU Nice. septembre 2022.

QCM

1/ Concernant les tumeurs intramédullaires non épendymaires, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
A. les gangliogliomes sont les tumeurs les plus fréquentes
B. elles sont majoritairement représentées par les astrocytomes
C. les hémangioblastomes surviennent surtout chez l’enfant
D. les hémangioblastomes sont le plus souvent sporadiques
E. les astrocytomes médullaires peuvent s’intégrer dans une neurofibromatose de type 1

2/ Concernant la clinique des tumeurs intramédullaires non épendymaires, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
A. les symptômes d’appel sont dominés par les douleurs et les dysesthésies
B. les déficits moteurs sont caractéristiques des astrocytomes
C. les troubles sphinctériens sont fréquents dans les hémangioblastomes
D. les signes neurologiques dépendent du niveau médullaire atteint
E. le score clinique de Brown-Sequard est le plus répandu

3/ Concernant l’imagerie des tumeurs intramédullaires non épendymaires, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
A. l’angioscanner est l’examen de référence des hémangioblastomes
B. contrairement aux épendymomes, les astrocytomes ne sont pas rehaussés par l’injection de produit de contraste
C. le scanner rachidien n’est pas indiqué dans le bilan préopératoire
D. les astrocytomes sont volontiers latéro-médullaires
E. les hémangioblastomes sont volontiers postéro-médullaires

4/ Concernant le traitement des tumeurs intramédullaires non épendymaires, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
A. est systématiquement une chirurgie d’exérèse
B. l’objectif dans les astrocytomes de haut grade est une résection tumorale maximaliste
C. les hémangioblastomes doivent être retirés en bloc pour limiter le saignement
D. le neuromonitoring peropératoire est devenu indispensable pour préserver la qualité de vie des patients
E. le neuromonitoring peropératoire ne peut pas être pratiqué chez l’enfant

Memento

I. Épidémiologie
Les tumeurs intramédullaires (TIM) sont des tumeurs rares qui représentent moins de 5% des tumeurs du système nerveux central [1]. Les épendymomes sont les TIM les plus fréquentes (>60%), suivies par les tumeurs non épendymaires : les astrocytomes et les hémangioblastomes. Les autres types histologiques tels que les gangliogliomes, les tumeurs fibreuses solitaires, les métastases de cancers solides, les lymphomes secondaires par dissémination lepto-méningée, les lipomes, sont beaucoup plus rares. Les TIM peuvent survenir à n’importe quel âge, les astrocytomes et les gangliogliomes concernent davantage les enfants que les adultes, à l’inverse des hémangioblastomes [2]. Les astrocytomes surviennent de façon sporadique, mais peuvent exceptionnellement être liés à une neurofibromatose de type 1 (NF1). Par contre, les hémangioblastomes surviennent dans un tiers des cas dans le cadre d’une maladie de von Hippel-Lindau qui doit par conséquent être systématiquement recherchée.

II. Clinique
Les signes cliniques d’appel sont le plus souvent des douleurs (syndrome rachidien ou lésionnel) et des dysesthésies. Les troubles moteurs évoquant une compression médullaire lente sont moins fréquents que dans les tumeurs intradurales extra médullaires, de même que le classique syndrome de Brown-Sequard. Les troubles sphinctériens sont rares. Des scores cliniques basés sur les symptômes neurologiques sont utiles pour décrire et comparer les résultats fonctionnels du traitement chirurgical. Les outils les plus fréquemment utilisés sont le score modifié de McCormick [3], et de Klekamp-Samii [4]. Le score modifié de McCormick comprend 5 grades allant de l’absence de trouble neurologique (grade 1), jusqu’à la perte d’autonomie par déficit sévère (grade 5). Le score de Klekamp-Samii prend également en considération la douleur, les troubles sensitifs subjectifs, l’ataxie et les troubles sphinctériens, et s’échelonne du grade 0 (plégie, incontinence, perte d’autonomie) au grade 5 (absence de symptôme). Du fait d’une croissance tumorale généralement lente et de la nature peu spécifique des symptômes neurologiques, le diagnostic de ces tumeurs est souvent retardé [5]. La réalisation d’une IRM sans délai une fois le diagnostic suspecté est importante pour guider la prise en charge.

III. Imagerie
L’IRM est l’examen de référence. Elle doit explorer la moelle entière, en coupes axiales et sagittales. Elle doit contenir au minimum des séquences pondérées en T1 sans et avec injection de gadolinium, et en T2 spin-echo (SE). La position de la tumeur (centro ou latéro-médullaire), son aspect (limité ou non), l’éventuelle prise de contraste (intensité, aspect), la présence de kystes, de sang ou de calcifications peuvent renseigner sur le type histologique. Elle sert également à faire le bilan des lésions associées et des répercussions médullaires éventuelles (cavité syringomyélique, œdème, autres tumeurs). Le gonflement de la moelle oriente vers une cause tumorale sans toutefois être pathognomonique. Des cavernomes ou des localisations médullaires de sclérose en plaques peuvent également élargir la moelle [6].
Le scanner rachidien peut être utile dans le bilan préopératoire (approche chirurgicale, stabilisation du rachis). En cas d’hémangioblastome, l’angiographie peut être faite pour analyser sa vascularisation et éventuellement procéder à une embolisation.

IV. Caractéristiques des principales tumeurs médullaires non épendymaires
1/ les astrocytomes sont les TIM non épendymaires les plus fréquentes [5]. Ils se développent dans l’enfance ou plus tard entre 30 et 50 ans, avec une discrète prédominance masculine (3 pour 2). Ils sont le plus souvent localisés au niveau de la moelle thoracique, et occasionnent plus de troubles moteurs que les épendymomes. Les astrocytomes de l’enfant sont le plus souvent bénins (pilocytiques de grade 1 OMS), alors que ceux de l’adulte sont généralement de grade 3 ou 4 de l’OMS. En IRM, les astrocytomes sont généralement latéromédullaires, hypo- ou isointenses en T1, hyperintenses en T2, avec une prise de contraste intense et hétérogène. Des kystes intratumoraux ou polaires sont présents dans 30% des cas ;
2/ les hémangioblastomes intramédullaires sont les TIM non gliales les plus fréquentes et représentent 2 à 6% des cas [7]. Ce sont des tumeurs bénignes le plus souvent localisées dans la moelle cervico-thoracique. L’âge moyen de survenue est de 47 ans. L’aspect typique est celui d’une lésion kystique avec un nodule mural franchement rehaussé. En IRM, ce sont des tumeurs nodulaires bien limitées, isointenses en T1, iso- ou hyperintenses en T2, rehaussés de manière homogène et intense après l’injection de gadolinium. Elles sont volontiers kystiques, et souvent associés à une dilatation vasculaire périmédullaire évoquant le drainage veineux.
3/ les gangliogliomes sont le plus souvent de bas grade de malignité (grade 1 ou 2 de l’OMS), et surviennent en général chez les enfants et adultes jeunes. La présentation typique est celle d’une myélopathie progressive évoluant depuis plusieurs mois à années [8]. Du fait d’une croissance lente, les gangliogliomes sont souvent détectés à un stade tardif. En IRM, ce sont des lésions volontiers étendues à plusieurs étages médullaires, souvent mixtes hypo- et hyperintenses en T1, hyperintenses en T2, avec un rehaussement faible et hétérogène par le gadolinium. La présence de calcifications est courante.

V. Prise en charge thérapeutique
La prise en charge consiste en une surveillance rapprochée, une biopsie, ou le plus souvent en une chirurgie d’exérèse. Les facteurs à prendre en compte pour le choix du traitement sont les signes neurologiques, l’âge du patient, l’étage médullaire concerné et son étendue, et l’histologie tumorale suspectée ou confirmée. En fonction du type histologique, du résidu tumoral postopératoire ou du caractère récidivant de la tumeur, un traitement adjuvant par radiothérapie et/ou chimiothérapie peut être proposé.

VI. Principes du traitement chirurgical
La chirurgie d’exérèse est le traitement de référence des TIM. L’objectif est la résection maximaliste de la tumeur sans endommager le tissu spinal sain, pour préserver voire restaurer la fonction neurologique. Les voies d’abord postérieures sont les plus répandues dans les TIM. Elles consistent en une laminectomie et une incision médullaire au niveau du sillon médian dorsal, en regard de la portion la plus superficielle de la tumeur. La technique de résection est ensuite influencée par l’histologie tumorale. En cas d’astrocytome de haut grade (3 ou 4), du fait de leur caractère infiltrant, mal limité, et agressif, certaines équipes préfèrent effectuer une biopsie ou une exérèse partielle plutôt qu’une résection maximaliste [5]. Par contre, dans les hémangioblastomes, une exérèse complète en bloc est recommandée lorsqu’elle est possible afin de limiter le saignement. Le neuromonitoring intraopératoire est devenu indispensable, et peut être multimodal : électromyogramme continu, potentiels évoqués sensitifs et moteurs [9]. Il permet de prédire et de limiter la survenue de déficits sensitifs et moteurs postopératoires chez l’enfant [10]et chez l’adulte [11].

REFERENCES

[1] Zouaoui S, Rigau V, Mathieu-Daudé H, Darlix A, Bessaoud F, Fabbro-Peray P, et al. [French brain tumor database : general results on 40,000 cases, main current applications and future prospects]. Neurochirurgie 2012 ;58:4–13. https://doi.org/10.1016/j.neuchi.2012.01.004.
[2] Klekamp J. Spinal ependymomas. Part 1 : Intramedullary ependymomas. Neurosurg Focus 2015 ;39:E6. https://doi.org/10.3171/2015.5.FOCUS15161.
[3] McCormick PC, Torres R, Post KD, Stein BM. Intramedullary ependymoma of the spinal cord. J Neurosurg 1990 ;72:523–32. https://doi.org/10.3171/jns.1990.72.4.0523.
[4] Klekamp J, Samii M. Introduction of a score system for the clinical evaluation of patients with spinal processes. Acta Neurochir (Wien) 1993 ;123:221–3.
[5] Ottenhausen M, Ntoulias G, Bodhinayake I, Ruppert F-H, Schreiber S, Förschler A, et al. Intradural spinal tumors in adults-update on management and outcome. Neurosurg Rev 2019 ;42:371–88. https://doi.org/10.1007/s10143-018-0957-x.
[6] Campello C, Tabouret E, Chinot O. Challenges in diagnosis and management of adult spinal cord gliomas. Rev Neurol (Paris) 2021 ;177:515–23. https://doi.org/10.1016/j.neurol.2021.02.384.
[7] Hussain I, Parker WE, Barzilai O, Bilsky MH. Surgical Management of Intramedullary Spinal Cord Tumors. Neurosurg Clin N Am 2020 ;31:237–49. https://doi.org/10.1016/j.nec.2019.12.004.
[8] Oppenheimer DC, Johnson MD, Judkins AR. Ganglioglioma of the Spinal Cord. J Clin Imaging Sci 2015 ;5:53. https://doi.org/10.4103/2156-7514.166355.
[9] Kelleher MO, Tan G, Sarjeant R, Fehlings MG. Predictive value of intraoperative neurophysiological monitoring during cervical spine surgery : a prospective analysis of 1055 consecutive patients. J Neurosurg Spine 2008 ;8:215–21. https://doi.org/10.3171/SPI/2008/8/3/215.
[10] Cheng JS, Ivan ME, Stapleton CJ, Quinones-Hinojosa A, Gupta N, Auguste KI. Intraoperative changes in transcranial motor evoked potentials and somatosensory evoked potentials predicting outcome in children with intramedullary spinal cord tumors. J Neurosurg Pediatr 2014 ;13:591–9. https://doi.org/10.3171/2014.2.PEDS1392.
[11] Kothbauer KF, Deletis V, Epstein FJ. Motor-evoked potential monitoring for intramedullary spinal cord tumor surgery : correlation of clinical and neurophysiological data in a series of 100 consecutive procedures. Neurosurg Focus 1998 ;4:e1. https://doi.org/10.3171/foc.1998.4.5.4.

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