#3.3 Hydrocéphalie aigue

Matthieu FAILLOT, M.D., Stéphane GOUTAGNY, M.D., Ph.D, Hôpital Beaujon, APHP, Janvier 2023

QUESTIONS :

1. Concernant l’hydrocéphalie aigue :
A. Le diagnostic se fait par mesure de la pression intracrânienne
B. La ventriculocisternostomie est un traitement de l’hydrocéphalie communicante
C. Toute ventriculomégalie de découverte récente doit être considérée comme une hydrocéphalie aigue
D. Le fond d’œil retrouve des anomalies précocement à la phase aigue
E. Il peut exister une paralysie à l’élévation du regard

2. Concernant l’hydrocéphalie aigue à la phase aigüe de l’hémorragie méningée :
A. Il est contre-indiqué de poser une DVE chez un patient avec un anévrisme non sécurisé
B. La Dérivation Ventriculaire Externe est posée uniquement en cas de troubles de la conscience
C. Il existe des troubles de la résorption du liquide cérébrospinal
D. On peut poser une DLE chez tous les patients avec une hémorragie méningée
E. La probabilité d’échec de l’épreuve de clampage est d’autant plus fréquente qu’on s’éloigne du saignement initial

3. Concernant l’ischémie de fosse postérieure :
A. Elle peut être associée à une hydrocéphalie aigue
B. Les troubles de la conscience peuvent être en rapport avec la compression du tronc cérébral
C. Le traitement de première intention est la dérivation ventriculaire
D. En cas de craniectomie sous-occipitale, il ne faut pas ouvrir la dure-mère
E. Concernant l’hydrocéphalie sur tumeur de fosse postérieure :

4. Une ventriculocisternostomie est réalisée en urgence et est toujours suivie d’une résection de la tumeur pendant la même anesthésie
A. La ventriculocisternostomie peut permettre d’obtenir une meilleure détente cérébrale pendant la chirurgie
B. Il est possible de traiter l’hydrocéphalie en réalisant l’exérèse de la tumeur
C. Il est possible que l’hydrocéphalie persiste après l’exérèse de la tumeur
D. Il est possible de poser une dérivation ventriculaire externe

5. Quelle(s) propositions(s) est(sont) exacte(s) ?
A. Les kystes colloïdes sont responsables uniquement d’hydrocéphalie aigue
B. Le traitement des kystes colloïde doit toujours être réalisé en urgence
C. La cécité est une complication possible de la cryptococcose neuroméningée
D. Il est contre-indiqué d’internaliser un patient atteint de cryptococcose neuroméningée

MEMENTO DIDACTIQUE

I. Généralités

L’hydrocéphalie aigue est une urgence que tout neurochirurgien(ne) doit savoir identifier car l’augmentation de la pression intracrânienne met en jeu le pronostic fonctionnel (visuel) et vital. Elle est à différencier de l’hydrocéphalie chronique. Physiologie de la sécrétion et de la circulation du LCS

Aspects cliniques :

Le diagnostic d’hydrocéphalie aigue est un diagnostic urgent qui repose avant tout sur des signes cliniques. Le syndrome d’hypertension intracrânienne associe céphalées (volontiers matinales, ou de fin de nuit), nausées/vomissements, des malaises, des troubles visuels (flou visuel, des scotomes transitoires types « voile » ou « rideau », diplopie en rapport avec une atteinte du nerf VI). Il peut également exister une paralysie de l’élévation du regard (dans le cadre d’un syndrome de Parinaud) en cas de compression du tectum mésencéphalique. Il existe enfin des spécificités pédiatriques avec une augmentation du périmètre crânien et la non depressibilité des fontanelles.Troubles liquidiens en pédiatrie : Spécificités physiopathologiques et Spécificités de la prise en charge L’évaluation de l’acuité visuelle et de l’œdème papillaire ne nécessitent pas d’attendre une consultation d’ophtalmologie : un fond d’œil et une échelle de Monoyer peuvent être réalisés aux urgences ou dans le service de neurochirurgie. La normalité du fond d’œil n’exclut pas le diagnostic d’hypertension intracrânienne car l’apparition d’un œdème papillaire peut être tardive. Spécificités de la prise en charge de l’hydrocéphalie chez le nourrisson et l’enfant

Aspects radiologiques :
Ventriculomégalie :
Une ventriculomégalie est généralement présente en cas d’hydrocéphalie aigue. Troubles liquidiens en pédiatrie : Imagerie prénatale Cependant elle ne signe pas à elle seule le diagnostic et doit toujours être interprétée en fonction du contexte clinique. Il faut en particulier savoir différencier une ventriculomégalie en rapport avec une hydrocéphalie aigue où le syndrome d’hypertension intracrânienne est au premier plan, d’une ventriculomégalie en rapport avec une hydrocéphalie chronique où il n’existe en général pas de syndrome d’hypertension intracrânienne. Enfin l’absence de ventriculomégalie n’élimine pas une hypertension intracrânienne (HTIC idiopathique, dysfonctionnement de dérivation ventriculaire, œdème cérébral, cryptococcose).

Etiologie et mécanisme
Outre l’appréciation du volume ventriculaire, l’imagerie permet de déterminer l’étiologie et le mécanisme de l’hydrocéphalie, ce qui permet le choix du traitement adapté.

Méthodes
En urgence c’est souvent le scanner sans injection qui est réalisé. Il permet de visualiser la ventriculomégalie et oriente sur l’étiologie de l’hydrocéphalie. Il peut également montrer des hypodensités périventriculaires dites « signes de résorption transépendymaire ».
L’IRM, d’accès plus restreint, permet d’apprécier plus finement les signes indirects d’hypertension intracrânienne (dilatation de la gaine des nerf optiques).
Chez l’enfant, l’échographie transfontanellaire est une technique non irradiante et facilement accessible qui peut permettre d’objectiver la ventriculomégalie.

II]Spécificités par pathologie

Hémorragie méningée.

L’hydrocéphalie à la phase aigüe de l’hémorragie méningée est le plus souvent une hydrocéphalie communicante par trouble de la résorption du liquide cérébrospinal (LCS) dans les espaces sous arachnoïdiens 1. Il peut également exister une part non-communicante en cas de saignement intraventriculaire obstruant la filière ventriculaire.

Figure. Une TDM crânio-encéphalique révélait une hémorragie sous-arachnoïdienne des citernes de la base et des cornes temporales distendus des ventricules latéraux illustrant l’hydrocéphalie.

Une hydrocéphalie aigue avec augmentation de la pression intracrânienne peut être observée même si les patients sont pleinement conscients et présentent uniquement des céphalées modérées.

Son traitement est urgent et repose le plus souvent sur la réalisation d’une dérivation ventriculaire externe (DVE). Un anévrisme non sécurisé n’est pas une contre-indication à la pose d’une DVE. Il faut toutefois éviter de soustraire trop de liquide, et garder la DVE à + 15 ou +20 cmH20. Plusieurs équipes ont proposé comme alternative la mise en place d’une dérivation lombaire externe dont l’intérêt est d’éviter une nouvelle agression du parenchyme cérébral. Celle-ci est toutefois contre-indiquée si on suspecte une obstruction de la filière ventriculaire liée au saignement (caractère non communicant). Il faut également être vigilant aux complications de type hyperdrainage plus fréquentes avec les dérivations lombaires externes. Enfin certains chirurgiens proposent lors des chirurgies anévrismales, une fenestration de la lame terminale, permettant la circulation du LCS depuis le troisième ventricule vers les citernes de la base. Cette technique permet d’obtenir une meilleure détente cérébrale, et permettrait de diminuer le risque d’hydrocéphalie chronique (faible niveau de preuve et études discordantes). Techniques chirurgicales : implantation d’une dérivation ventriculo-péritonéale

La principale difficulté dans la prise en charge de l’hydrocéphalie liée à l’hémorragie méningée est le sevrage de la DVE. Le sevrage de la DVE consiste soit à augmenter progressivement la poche de drainage du système de dérivation, soit à réaliser des épreuves de clampage quotidiennes. Des études récentes suggèrent qu’un clampage quotidien serait associé à une diminution du taux d’internalisation 2. Les critères d’échec d’une épreuve de clampage sont mal définis dans la littérature. Le principal critère est une mauvaise tolérance clinique : céphalées (mais les céphalées observées chez les patients avec hémorragie méningée ne sont pas toujours associées à une augmentation de la pression intracrânienne), troubles la conscience. Les autres critères sont une augmentation de la pression intracrânienne et une augmentation du volume ventriculaire sur une imagerie de contrôle. Chez de nombreux patients, les troubles de la résorption du LCS ont tendance à s’améliorer à distance du saignement. Ceci fait relativiser la valeur des épreuves de clampage à la phase aigüe : il est fréquent d’observer des échecs des épreuves de clampages si celles-ci sont réalisées trop précocement au cours de la prise en charge et de conclure (à tort) à la nécessité d’une dérivation ventriculaire interne. A l’inverse, certains patients nécessitent un drainage ventriculaire externe prolongé qui peut être responsable de complications notamment infectieuses et hémorragiques, en particulier en cas de nécessité de repose du cathéter. Plusieurs scores prédisant le risques d’hydrocéphalie chronique après hémorragie méningée ont été proposés, comme le score CHESS 3. Il peut se discuter de réaliser précocement des dérivations ventriculaires internes chez ces patients (si l’examen du LCS est stérile). L’hyperprotéinorachie et l’augmentation de la cellularité du LCS en phase aigüe de l’hémorragie méningée seraient des facteurs de risques de dysfonction précoce de dérivation interne, sans valeurs seuils précises dans la littérature. Une étude rétrospective a montré que 98% des révisions des dérivations internes après hémorragie méningée surviennent dans les 6 premiers mois. Une autre interprétation possible est que les troubles de la circulation du LCS après une hémorragie méningée sont temporaires.

Hémorragie intraventriculaire

Dans l’hémorragie intraventriculaire, il existe un fort taux d’obstruction de cathéters de dérivation ventriculaires. Plusieurs équipes pratiquent la fibrinolyse intraventriculaire, c’est-à-dire l’injection d’une molécule fibrinolytique (rtPA) dans le cathéter de DVE, pour rétablir la continuité de la filière ventriculaire. Une métanalyse française a suggéré l’efficacité de cette technique4, alors qu’un essai randomisé (CLEAR III 5) était négatif. Il est important que les injections soient réalisées en conditions stériles, après avoir vérifié la bonne position du cathéter de dérivation ventriculaire (afin que le produit soit injecté uniquement dans les ventricules et non dans le parenchyme cérébral). Enfin, certaines équipes proposent des chirurgies de « décaillotage » ventriculaire, en particulier en pédiatrie.

Ischémie de fosse postérieure

Il est fréquent d’observer une hydrocéphalie à la phase aigüe d’une ischémie de fosse postérieure. En effet, le territoire ischémié réalise une compression du tronc cérébral et du quatrième ventricule. En cas de signes de compression du tronc, les recommandations américaines (AHA2014 6) préconisent de réaliser en première intention une craniectomie sous occipitale, pouvant associer une résection du parenchyme ischémié. La dérivation ventriculaire externe n’est donc pas réalisée en première intention. En l’absence de signe de compression du tronc cérébral, une ventriculocisternostomie endoscopique peut se discuter.

Hydrocéphalie sur tumeur de fosse postérieure

L’effet de masse lié à la tumeur et à l’œdème réalise une compression du quatrième ventricule et est responsable d’une hydrocéphalie. La ventriculocisternostomie endoscopique permet de traiter l’hydrocéphalie en urgence et autorise ainsi un traitement différé de la tumeur, avec une pression intracrânienne plus basse.

Hydrocéphalie aigue sur kyste colloïde

Si les kystes colloïdes sont le plus souvent des découvertes fortuites chez des patients asymptomatiques, ou sont responsables d’une hydrocéphalie chronique ne nécessitant pas de traitement en urgence, ils peuvent parfois être responsable d’hydrocéphalie aiguë de décompensation parfois brutale. Le traitement repose, selon l’état clinique du patient, sur la pose d’une dérivation ventriculaire externe première souvent associée à une septostomie, suivi de l’exérèse secondaire du kyste, ou sur l’exérèse première du kyste.

Infections neuroméningées
Les infections neuroméningées peuvent parfois s’accompagner d’une hydrocéphalie avec augmentation de la pression intracrânienne, et nécessiter un traitement. Une dérivation externe est indiquée à la phase aiguë, avant stérilisation du LCS (ex. méningite à pneumocoque). Une dérivation interne peut être réalisée lorsque le problème infectieux est contrôlé (ex. tuberculose). La cryptococcose neuroméningée est une situation particulière. Il s’agit d’une infection fongique grave souvent associée à l’infection VIH. Elle s’accompagne fréquemment d’une augmentation importante de la pression intracrânienne, en l’absence de ventriculomégalie. Il est important de mettre en place précocement une dérivation ventriculaire interne en cas d’hypertension intracrânienne afin de préserver le pronostic visuel des patients.

Points forts :

  • L’hydrocéphalie aigue est une urgence mettant en jeu le pronostic vital et fonctionnel (visuel)
  • L’hydrocéphalie aigue est à différencier de l’hydrocéphalie chronique
  • Le diagnostic repose avant tout sur les signes cliniques (syndrome d’hypertension intracrânienne).
  • Le traitement est urgent et repose sur la dérivation ventriculaire externe (DVE) ou la ventriculocisternostomie endoscopique selon le mécanisme de l’hydrocéphalie

Point faible :

  • Le traitement de l’hémorragie intraventriculaire est difficile, on ne connait pas bien la place de la fibrinolyse intraventriculaire.

Réponses aux QCM

  1. E
  2. C
  3. AB
  4. BCDE
  5. C

Références :

1. Goulay, R. et al. Subarachnoid Hemorrhage Severely Impairs Brain Parenchymal Cerebrospinal Fluid Circulation in Nonhuman Primate. Stroke 48, 2301–2305 (2017).
Etude expérimentale chez le primate qui montre un ralentissement de la circulation du liquide cérébrospinal dans le parenchyme cérébral en cas d’hémorragie méningée.
2. Chung, D. Y. et al. Association of External Ventricular Drain Wean Strategy with Shun
t Placement and Length of Stay in Subarachnoid Hemorrhage : A Prospective Multicenter Study. Neurocrit Care 36, 536–545 (2022).
Cette étude suggère la supériorité de tests de clampages quotidiens par rapport à un sevrage progressif de la DVE dans l’hémorragie méningée.
3. Jabbarli, R. et al. The CHESS score : a simple tool for early prediction of shunt dependency after aneurysmal subarachnoid hemorrhage. Eur J Neurol 23, 912–918 (2016).
Cette étude propose un score permettant de prédire les patients nécessitant une internalisation après une hémorragie méningée.
4. Gaberel, T. et al. Intraventricular fibrinolysis versus external ventricular drainage alone in intraventricular hemorrhage : a meta-analysis. Stroke 42, 2776–2781 (2011).
Méta-analyse qui suggère une efficacité de la fibrinolyse intraventriculaire.
5. Hanley, D. F. et al. Thrombolytic removal of intraventricular haemorrhage in treatment of severe stroke : results of the randomised, multicentre, multiregion, placebo-controlled CLEAR III trial. Lancet 389, 603–611 (2017).
Résultats de l’étude CLEAR IIII qui ne retrouve pas de bénéfice à la fibrinolyse intraventriculaire pour le traitement de l’AVC hémorragique.
6. Wijdicks, E. F. M. et al. Recommendations for the Management of Cerebral and Cerebellar Infarction With Swelling. Stroke 45, 1222–1238 (2014).
Recommandations nord-américaines pour la prise en charge des ischémies de fosse postérieure.

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