#3.2 Hypertension intra-crânienne idiopathique

Marc BARONCINI, M.D., Ph.D., CHU Lille, Janvier 2023

Questions :

1. A propos des généralités suivantes concernant l’hypertension intracrânienne idiopathique (HTICi), quelle(s) est(sont) la(les) proposition(s) exacte(s) ?
A. C’est une pathologie bénigne qui ne peut jamais aboutir à une cécité
B. L’IRM cérébrale est urgente et montre habituellement une hydrocéphalie tri-ventriculaire non communicante
C. Cette pathologie atteint préférentiellement les hommes jeunes et minces
D. Son incidence est en augmentation
E. Ce diagnostic n’existe pas chez les enfants pré-pubères

2. A propos du diagnostic de l’HTICi, quelle(s) est(sont) la(les) proposition(s) exacte(s) ?
A. Le diagnostic différentiel principal de l’œdème papillaire est un drusen de la papille
B. L’analyse du LCS est inutile
C. L’IRM cérébrale doit être associée à une ARM du cercle artériel de la base
D. Une pression élevée à la PL (supérieure à 15 cm d’H2O) confirme le diagnostic
E. Il faut rechercher une cause secondaire, notamment médicamenteuse, incluant la prise de tétracyclines ou de vitamine A

3. À propos du traitement de l’HTICi, quelles sont les propositions exactes ?
A. L’acuité visuelle est l’élément le plus important à prendre en compte dans l’incrémentation thérapeutique
B. La perte de poids, même modérée, permet souvent un contrôle ou une résolution de l’HTICi
C. L’acétazolamide doit être donné toutes les 8 h
D. La fenestration de la gaine du nerf optique est le traitement de référence
E. La dérivation ventriculaire interne permet habituellement une amélioration des symptômes

Memento didactique

1) Introduction
L’hypertension intra-crânienne idiopathique (HTICi) est une pathologie potentiellement redoutable pouvant aboutir, heureusement dans des cas rares, à une cécité. On préférera donc éviter le terme d’hypertension intra-crânienne « bénigne » fréquemment utilisé. L’HTICi est définie par l’association d’une augmentation de la pression intra-crânienne et d’une absence d’étiologie évidente à l’IRM (pas d’hydrocéphalie, pas de processus expansif, d’où le terme ancien de « pseudotumor cerebri »). Hypertension intracrânienne idiopathique

Son incidence, en augmentation, est de 2,4 cas pour 100 000 personnes. L’incidence s’élève à 20 cas pour 100 000 chez les femmes jeunes en surpoids. La pathologie peut se voir chez des enfants pré-pubères, sans obésité, et avec jusque 20 % de formes sans céphalées.

2) Physiopathologie & étiologies
La physiopathologie reste peu claire mais il existe un lien fort avec l’obésité (90 % des patients avec une HTICi présentent une obésité) et surtout avec la prise de poids (une prise de poids de 5 à 15 % peut suffire à déclencher une HTICi). Le mécanisme habituellement suspecté est celui d’une gêne au retour veineux lié à un surpoids entraînant une diminution de la résorption du LCS. Physiologie de la sécrétion et de la circulation du LCS

Les diagnostics différentiels incluent les HTIC de causes secondaires comme les méningites chroniques bactériennes (Syphilis...), virales, carcinomateuses ou inflammatoires qui sont à rechercher. Les autres diagnostics à évoquer sont les polyradiculonévrites et les tumeurs médullaires ou de la queue de cheval. Chez les enfants en particulier, la réalisation concomitante d’une IRM médullaire est souhaitable.

Les autres causes secondaires seront habituellement éliminées par l’interrogatoire ou par un bilan biologique standard : endocrinopathies (Addison, Cushing, dysthyroïdie), médicamenteuses (vitamine A, tétracycline, corticothérapie), insuffisance rénale chronique, anémie ferriprive ou syndrome des ovaires polykystiques.

3) Diagnostics positifs et différentiels
Les signes cliniques associent des céphalées progressives avec des signes non spécifiques comme des acouphènes pulsatiles, des vertiges, des cervicalgies, une diplopie binoculaire par atteinte du nerf abducens. Aucun signe n’est pathognomonique.

Il existe des signes d’alerte à type d’éclipses visuelles qui doivent faire suspecter une forme fulminante pouvant aboutir à une cécité en quelques jours, et qui doit nécessiter une prise en charge en extrême urgence.

Le diagnostic positif associe un œdème papillaire, un examen neurologique normal (à l’exception d’une possible atteinte du VI), une imagerie cérébrale ne retrouvant pas d’hydrocéphalie, de tumeur, de prise en contraste méningée, de thrombose veineuse, une analyse normale du LCS et une mesure de pression de LCS supérieur à 25 cm d’eau (18 mm de mercure).

Le bilan diagnostic doit comprendre un bilan neuro-ophtalmologique complet, une IRM cérébrale en urgence avec des ARM veineuse, et une ponction lombaire avec mesure de pression et analyse du LCS. Analyses hydrodynamiques.

Le bilan neuro-ophtalmologique doit être complet et associer une mesure d’acuité visuelle, un examen du fond d’œil qui recherchera un œdème papillaire de stase, le plus souvent bilatéral (en prenant garde au diagnostic différentiel constitué par les drusen papillaires, qui sont des dépôts anormaux de matériel protéinique localisés au niveau de la papille) avec si possible la réalisation de photographies en autofluorescence et un OCT. Le bilan comprendra également une mesure de pression intra-oculaire (l’hypotonie pouvant être une rare cause d’œdème papillaire) et surtout une mesure du champ visuel qui recherchera un élargissement de la tache aveugle, un scotome fasciculaire, ou une atteinte plus grave pouvant aller jusqu’à un rétrécissement concentrique du champ visuel.

Figure. A. IRM T1 en coupe axiale révélait des ventricules latéraux fentes. B. Au fond ’oeil, un oedème papillaire était visible.

L’IRM cérébrale éliminera les causes habituelles d’hypertension intra-crânienne et retrouvera des signes d’HTICi à type de selle turcique vide, de dilatation de la gaine des nerfs optiques, d’aplatissement du pôle postérieur du globe. L’ARM veineuse permet d’éliminer une thrombophlébite cérébrale et peut retrouver une sténose d’un ou des deux sinus transverses. Imagerie de l’hydrocéphalie chronique de l’adulte

La ponction lombaire avec mesure de pression est indispensable et permet de confirmer le diagnostic si la pression est supérieure à 25 cm d’eau. Elle permet aussi d’éliminer les causes secondaires.

Le bilan est donc urgent.

4) Traitement et évolution
Le traitement associe des mesures hygiéno-diététiques de réduction pondérale, une éventuelle chirurgicale bariatrique, un traitement médicamenteux, voire une prise en charge invasive avec une dérivation du LCS ou un stenting veineux. La fenestration du nerf optique est une technique ancienne peu utilisée aujourd’hui.
En cas d’œdème papillaire sans retentissement visuel significatif, les mesures de réduction de poids associées à un traitement par acétazolamide (10 mg / kg / jour en trois prises réparties toutes les 8 heures, associées à un traitement contraceptif chez la femme en âge de procréer) sont les traitements de première intention. Un ionogramme et un bilan rénal doivent être réalisés régulièrement ; il existe également un risque de colique néphrétique. En cas de mauvaise tolérance, le topiramate peut être introduit. La surveillance ophtalmologique (fond d’œil et champ visuel, qui reste l’examen le plus sensible) doit être régulière.
Une perte de poids minime peut permettre une résolution de l’HTICi mais il existe un risque de rechute et de reprise de poids. Une prise en charge pluridisciplinaire avec un médecin nutritionniste et une diététicienne est indispensable. La chirurgie bariatrique peut être efficace mais n’est pas dénuée de risques de morbi-mortalité.
En cas de retentissement visuel significatif, il est possible de réaliser en plus des ponctions lombaires déplétives qui peuvent améliorer la situation pendant plusieurs semaines et qui peuvent être d’une grande aide en cas de grossesse durant laquelle l’acétazolamide est contre-indiquée, en particulier au premier trimestre en raison du risque tératogène.
En cas d’échec, avec menace visuelle imminente (HTICi fulminante), de réapparition de l’œdème papillaire après quelques mois de traitement médicamenteux, ou en cas d’intolérance rénale, un traitement invasif peut se discuter. Techniques chirurgicales : implantation d’une dérivation ventriculo-péritonéalehttps://campus.neurochirurgie.fr/sp...
La dérivation interne du LCS permet une amélioration de l’œdème papillaire dans plus de 90 % des cas. Les complications mécaniques sont un peu plus fréquentes que dans les dérivations pour hydrocéphalie ; le geste chirurgical nécessite une technique rigoureuse. L’utilisation d’un système de neuronavigation semble indispensable au vu de la très petite taille des ventricules. Le drain lombo-péritonéale est une option (mais il peut entraîner un prolapsus des tonsilles cérébelleuses. Dérivation ventriculo atriale
Le traitement endovasculaire avec la mise en place de stents dans les sinus transverses au niveau d’une zone de sténose est le second traitement invasif qui peut être réalisé dans l’HTICi. Il nécessite la mise en place d’un traitement antiagrégant plaquettaire pour une durée minimale de 6 mois. Les résultats semblent globalement superposables à ceux d’une dérivation interne du LCS. Synthèse & indications thérapeutiques
Dans des cas extrêmes, la réalisation d’un volet décompressif bi-frontal peut se discuter, après la réalisation d’un monitorage invasif de la pression intra-crânienne, en cas d’efficacité insuffisante d’un drainage du LCS.
Il faut enfin prendre garde à des formes trompeuses qui peuvent se révéler par une rhinorrhée spontanée. L’HTICi entraîne une érosion progressive de la base du crâne aboutissant à une brèche de LCS puis à un tableau d’hypotension intra-crânienne. La prise en charge consiste à mettre en place d’une dérivation interne du LCS puis à traiter la brèche chirurgicalement si la rhinorrhée persiste.

Points forts

  • le diagnostic d’une HTICi est parfois assez simple : le tableau typique associée des céphalées et un œdème papillaire bilatéral chez des femmes jeunes en surpoids
  • il existe des formes fulminantes nécessitant une prise en charge chirurgicale en extrême urgence et pouvant aboutir à une cécité
  • le diagnostic est confirmé par une mesure de pression du LCS supérieur à 25 cm d’eau (18 mm Hg)
  • le traitement de première intention comprend une perte de poids et de l’acétazolamide donné toutes les 8 heures. Les ponctions lombaires peuvent aider à passer une phase critique.
  • Le traitement invasif consiste en une dérivation interne du LCS ou en un stenting veineux.

Points faibles

  • la physiopathologie de l’HTIC idiopathique reste peu claire
  • le choix du meilleur traitement invasif (stenting, dérivation ventriculaire) reste affaire d’école

Réponses aux questions

  1. D
  2. AE
  3. BCE

Référence annotée

Mollan et al. Idiopathic intracranial hypertension : consensus guidelines on management. J Neurol Neurosurg Psychiatry epub ahead of print : [please include Day Month Year]. doi:10.1136/jnnp-2017- 317440
Article de référence en accès libre

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