#3.1 Hydrocéphalie chronique de l’adulte

Stéphane GOUTAGNY, M.D., Ph.D., APHP, Hôpital Beaujon, Février 2023

QUESTIONS :

1) A propos de la présentation clinique de l’hydrocéphalie chronique de l’adulte : quelle(s) est(sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?

A- La triade de Hakim est pathognomonique de l’hydrocéphalie chronique de l’adulte et suffit à affirmer le diagnostic
B- Les troubles cognitifs sont de type sous-corticaux (syndrome dyséxécutif, troubles attentionnels…)
C- Des manifestations neuro-psychiatriques doivent faire éliminer le diagnostic ;
D- Lorsque les signes urinaires sont la principale plainte du patient, une franche amélioration est attendue après dérivation
E- Des signes de dysfonction bulbaire peuvent être présents et ne doivent pas faire éliminer le diagnostic ;

2) A propos de l’hydrocéphalie chronique de l‘adulte, quelle(s) est(sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?

A- Le diagnostic peut être affirmé avec certitude par l’examen clinique
B- Il existe des signes pathognomoniques sur l’IRM
C- Tous les patients avec une amélioration clinique post-PL seront améliorés par une DVP
D- La décision de dérivation peut se prendre en RCP avec des neuroradiologues, des neurologues, des gériatres, des neurochirurgiens
E- Les hydrocéphalies secondaires (post hémorragie méningée…) sont de meilleur pronostic après dérivation

3) A propos de l’imagerie de l’hydrocéphalie à pression normale idiopathique, quelle(s) est(sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?

A- Les scissures latérales sont élargies dans l’hydrocéphalie à pression normale idiopathique
B- Les espaces sous-arachnoïdiens de la convexité sont également élargis
C- La taille ventriculaire diminue à vue d’œil après la mise en place d’une DVP dans une hydrocéphalie à pression normale idiopathique
D- Un hypersignal flair péri-ventriculaire sur une IRM est pathognomonique d’une hydrocéphalie à pression normale idiopathique
E- Les cornes temporales ne sont pas dilatées dans l’hydrocéphalie à pression normale idiopathique

4) Quelle(s) est (sont) la (les) réponses correcte(s) concernant la ponction lombaire évacuatrice réalisée pour diagnostiquer une hydrocéphalie chronique ?

A- La douleur liée à la PL est minime, aucune anesthésie n’est nécessaire
B- Un syndrome post ponction lombaire doit être systématiquement prévenu
C- Les éventuels anticoagulants doivent être suspendus avant la ponction
D- L’analyse du LCS lors d’une PL évacuatrice n’est pas utile
E- L’absence d’amélioration clinique après la ponction évacuatrice permet d’écarter le diagnostic

5) Concernant le contexte de pose d’une dérivation ventriculo-péritonéale ou atriale (DVP, DVA), quelle(s) est (sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?

A- L’implantation peut se faire en réanimation
B- L’implantation doit se faire dans une salle opératoire avec un niveau d’asepsie maximale
C- Une antibioprophylaxie per opératoire est indispensable
D- Un traitement anti comitial est injecté en début d’intervention
E- Le personnel en salle d’opération doit être réduit au minimum

MEMENTO DIDACTIQUE

L’hydrocéphalie est définie comme un trouble de la circulation du liquide cérébrospinal (LCS), responsable de symptômes cliniques "Hydrocéphalie chronique de l’adulte". Le terme hydrocéphalie chronique de l’adulte désigne l’association d’une triade clinique (troubles de la marche, troubles sphinctériens, troubles des fonctions supérieures) à une dilatation ventriculaire. Cette définition n’inclut pas un mécanisme particulier Physiologie sécrétion et circulation LCS : une hydrocéphalie chronique peut être communicante (par exemple hydrocéphalie post traumatisme crânien), ou non communicante (par exemple hydrocéphalie par sténose idiopathique de l’aqueduc). Lorsqu’une cause, comme une hémorragie, une intervention neurochirurgicale, une tumeur, une infection… peut être identifiée, il s’agit d’une hydrocéphalie chronique secondaire. Lorsqu’aucune cause n’est identifiable, le terme le plus souvent utilisé est celui hydrocéphalie à pression normale idiopathique (HPNi). L’HPNi est une pathologie du sujet âgé, largement sous diagnostiquée et sous traitée, qui retenti de manière importante sur l’autonomie et la qualité de vie des personnes atteintes .

Clinique
Les signes cardinaux de l’hydrocéphalie chronique de l’adulte sont regroupés dans la triade de Adams et Hakim : troubles de la marche, troubles sphinctériens, troubles des fonctions supérieures. Ces signes s’installent progressivement, parfois de manière insidieuse. La triade n’est pas forcément complète, mais les troubles de la marche sont quasi constants. Hydrocéphalie chronique de l’adulte / Présentation clinique & diagnostics différentiels

  • Les troubles de la marche sont quasi constant et très évocateurs. Il s’agit d’une marche à petits pas trainants, instable, avec élargissement du polygone de sustentation, les pieds tournés vers l’extérieur. Cette marche instable est responsable de chutes, de sensations d’emballement en particulier en descente. L’aggravation progressive des signes conduit à une limitation majeure de l’autonomie des patients et peut-être responsable en particulier de complications orthopédiques (fractures), et d’un syndrome phobique parfois envahissant.
  • Les troubles sphinctériens sont fréquents, fréquemment sous rapportés par les patients, et doivent donc être recherchés. Il s’agit en premier lieu d’un raccourcissement du délai de sécurité entre la perception du besoin d’uriner et une éventuelle fuite (urgences mictionnelles). Associé aux troubles de la marche, ces urgences mictionnelles aboutissent rapidement à des fuites urinaires et à une éventuelle incontinence. Les pertes fécales ne sont pas rares. Des troubles sexuels (dysfonction érectile)sont également rencontrés.
  • Les troubles des fonctions supérieures ne sont pas spécifiques de l’hydrocéphalie. Les caractéristiques les plus évocatrices sont un syndrome dysexécutif associé à des une ralentissement psychomoteur. Ils sont au mieux évalués par un bilan neuropsychologique.
  • Formes atypiques :

Hydrocéphalie secondaire à un une hémorragie méningée ou un traumatisme crânien sévère : c’est parfois un retard de réveil en réanimation ou une stagnation des progrès réalisées en rééducation qui peuvent révéler une hydrocéphalie évolutive.

Explorations paracliniques :
 Imagerie. Imagerie de l’hydrocéphalie chronique de l’adulte
L’imagerie cérébrale est au centre du diagnostic d’hydrocéphalie. Une augmentation du volume ventriculaire (ventriculomégalie) est le signe cardinal de l’hydrocéphalie, mais ne suffit pas à poser le diagnostic.

Figure 1  : IRM T2 FLAIR en coupe axiale révélait une résorption trans-épendymaire en regard des cornes frontales sous forme d’un hypersignal.

Plusieurs signes radiologiques aident à différencier hydrocéphalie et dilatation ventriculaire passive (diminution du volume du parenchyme cérébral avec augmentation résiduelle du volume ventriculaire, sans pathologie de la circulation du LCS). Ces signes sont visualisés à la fois en IRM et en scanner. Il s’agit de l’aspect de bloc suprasylvien ou DESH (disproportionately enlarged subarachnoid space hydrocephalus) :

  • Dilatation ventriculaire : constant dans l’hydrocéphalie. En pratique clinique, la taille ventriculaire est évaluée à l’aide de l’index d’Evans (rapport au diamètre des cornes frontales sur le plus grand diamètre bipariétal. Un index >0.3 est considéré comme une ventriculomégalie). La mesure du volume ventriculaire est sujet à des variations de mesure et un manque de référence, et n’est pas couramment utilisée.
  • Effacement des sillons de la convexité postérieure et médiane. La diminution du volume de LCS visible dans les sillons de la convexité médiane et postérieure contraste avec l’augmentation du volume ventriculaire. Il s’agit d’un critère difficile à quantifier de manière reproductible.
  • Fermeture de l’angle calleux. L’angle calleux mesuré selon des critères précis (plan coronal perpendiculaire au plan de référence passant par les commissures blanche antérieure (CA) et postérieure (CP), passant par CP. Un angle inférieur à 90° est en faveur du diagnostic d’hydrocéphalie.
  • Dilatation des vallées sylviennes. Ce critère est qualitatif, modérément reproductible, et constitue un piège radiologique à éviter, cette dilatation pouvant être confondu avec une atrophie cérébrale.
    L’IRM de flux permet d’affirmer le caractère communicant d’une hydrocéphalie, et donc de choisir la meilleure technique chirurgicale (ventriculocisternostomie versus dérivation). Ces techniques permettent également de quantifier les mouvements du LCS, et ainsi affiner le diagnostic.

L’IRM permet d’évaluer les comorbidités (atteintes de la substance blanche d’origine vasculaire…)

 Hydrodynamique.

Une des caractéristiques de l’hydrocéphalie est l’amélioration clinique après soustraction de LCS. Plusieurs méthodes ont été développées pour évaluer les patients suspects d’hydrocéphalie. La technique la plus courante est la réalisation d’une ponction lombaire soustractive, permettant de retirer 30 à 50 millilitres de LCS. L’évaluation des capacités motrices ou des performances psychométriques avant et après la soustraction permet de mesurer une éventuelle différence. Une amélioration après soustraction est très évocatrice d’hydrocéphalie. L’absence d’amélioration ne permet cependant pas d’éliminer le diagnostic (valeur prédictive négative faible). Analyses hydrodynamiques

Afin d’améliorer la performance diagnostique de la soustraction, des protocoles augmentant les volumes ou les durées de soustractions sont proposés (dérivations externes, lombaire ou ventriculaire dans les cas d’évolutions subaiguës en sortie de réanimation en particulier). LA littérature ne fournis pas de critères fiables et reproductibles permettant de sélectionner les patients candidats à une dérivation par ces moyens.

Le test d’infusion est une ponction lombaire soustractive a laquelle est associée une mesure de pression dynamique lors de l’injection d’un substitut de LCS. L’analyse de l’aspect de la courbe de pression intracrânienne (lors du test d’infusion ou lors de mesures dédiées), peut également permettre d’identifier des aspects suggérant une hydrocéphalie (ondes B, élévation nocturne de la pression intracrânienne…). Développement du LCS et des espaces liquidiens du SNC L’analyse du LCS prélevé lors de ces explorations permet de s’assurer de sa normalité, de doser les marqueurs de neuro dégénérescence, rechercher d’éventuelles cellules tumorales.

 Aides au diagnostic et à la caractérisation d’éventuels diagnostics différentiels.

De nombreux examens complémentaires peuvent permettre de mieux différencier hydrocéphalie et autres pathologies neurologiques responsables de symptômes similaires : DAT scann pour rechercher une dénervation dopaminergique, analyse des mouvements oculaires, échodoppler des membres inférieurs pour rechercher une artériopathie, IRM spinal pour rechercher un canal lombaire étroit ou une myélopathie selon la clinique… Le bilan urodynamique permet de mieux caractériser les problèmes sphinctériens.

Traitement
Le traitement d’une hydrocéphalie est chirurgical et repose avant tout sur la mise en place d’une dérivation du LCS. Comment fonctionne une valve ? Le principe d’une dérivation est de prélever du LCS au niveau du système nerveux, le plus souvent les ventricules (dérivation ventriculaire), mais aussi les espaces sous arachnoïdiens spinaux (dérivation lombaire), et de l’emmener soit vers une zone de résorption lui permettant de regagner la circulation sanguine : péritoine dans la dérivation (ventriculo ou lombo) péritonéales (DVP, DLP), la plèvre, … soit directement dans la circulation sanguine (dérivation ventriculo atriales, DVA). Techniques chirurgicales : implantation d’une dérivation ventriculo-péritonéale.
Un système de régulation de l’écoulement du LCS dans la dérivation permet de limiter l’hyperdrainage. Il s’agit de la valve. Deux types de valves existent : les valves à régulation de pression qui laisse s’écouler le LCS lorsque la pression du LCS atteint un certain seuil. Ce seuil peut être déterminé en usine (valve à pression fixe) ou réglable par le neurochirurgien à l’aide d’un dispositif spécifique ne nécessitant pas de ré intervention (valves réglables). Les valves à régulation de débit sont conçues pour laisser passer la même quantité de LCS, quel que soit la pression intracrânienne. Les données de la littérature sont faibles pour guider le choix du meilleur dispositif.
L’utilisation de la neuronavigation permet d’optimiser la position du cathéter ventriculaire pour assurer la meilleure fonctionnalité possible.
L’implantation d’une dérivation est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale, mais les DVA et les DLP peuvent facilement être implantées sous anesthésie locale, en particulier chez les patients fragiles. Dérivation ventriculo atriale
D’autres dispositifs peuvent être ajoutés sur la dérivation pour améliorer leur performance :

  • Les systèmes anti-siphon ont pour objectif d’ajouter une résistance à l’écoulement dépendant de la position du patient (diminution du drainage en position debout), ou de diminuer le début possible dans la dérivation en fonction de la position.
  • L’antichambre est un dispositif inséré sur le circuit de la dérivation permettant d’accéder au LCS. Un tel dispositif permet des mesures de pression (fonctionnalité de la dérivation) et un accès pour des prélèvements éventuels (infection, biologie…).
  • Des réservoirs permettent des mesures non invasives de la pression et peuvent être utiles dans certaines situations.
    Les hydrocéphalies non communicantes peuvent être traitées par la réalisation d’une nouvelle communication entre le secteur ventriculaire et les espaces sous arachnoïdiens. "VIDEO JNE 2021 : La Ventriculocisternostomie endoscopique - technique chirurgicale" .Il s’agit de la ventriculocisternostomie (VCS) essentiellement réalisée de nos jours sous contrôle endoscopique. La VCS est le traitement de choix de la sténose idiopathique de l’aqueduc. Synthèse & indications thérapeutiques

Points Forts

  • Ne pas confondre hydrocéphalie chronique (triade clinique et ventriculomégalie) et hypertension intracrânienne (céphalées, nausées, vomissements ; ventriculomégalie non obligatoire)
  • Le diagnostic d’hydrocéphalie repose sur un trépied : signes cliniques, signes radiologiques, signes hydrodynamiques.
  • Une hydrocéphalie non communicante est préférentiellement traitée par une ventriculocisternostomie endoscopique.
  • Une hydrocéphalie communicante se traite par une dérivation du LCS (DVP, DVA, DLP…)
  • Plus de 80 % des patients sont améliorés par une dérivation.
  • Les hydrocéphalies secondaires sont de meilleur pronostic que l’HPNi.

Points Faibles

  • Le diagnostic d’hydrocéphalie chronique est probabiliste. La certitude diagnostique est a posteriori par amélioration après dérivation.
  • Les critères diagnostiques ne sont pas universellement admis, et le faisceau d’argument n’est pas toujours complet
  • Aucun examen paraclinique ne permet d’exclure formellement une hydrocéphalie
  • L’HPNi est une pathologie du sujet âgé, largement sous diagnostiquée et sous traitée, qui retenti de manière importante sur l’autonomie et la qualité de vie des personnes atteintes.

REPONSES AUX QUESTIONS

1) B
2) DE
3) A (C : faux - outils spécialisés ou morphométriques, D : faux - leucopathie)
4)
A- Faux : essayez sur vous ! Angoisse du patient est toujours importante. La prise en charge de la douleur doit être systématique et efficace (MEOPA, anesthésie locale)
B- Faux : l’amélioration après PL est l’équivalent du syndrome postPL du sujet sans hydrocéphalie. La mesure de prévention du syndrome postPL la plus efficace (utilisation d’une aiguille à pointe atraumatique et de petit calibre) est donc à proscrire (long et contre-productif). L’incidence du syndrome post PL dans ce contexte est très faible (<1%)
C- Vrai : PL non urgente dans ce cadre, complication éventuelle difficilement justifiable.
D- Faux : recherche de diagnostiques différentiels, test d’infusion
E- Faux
5) BCE

REFERENCES ANNOTEES

  1. Virhammar J, Laurell K, Cesarini KG, Larsson EM. Preoperative Prognostic Value of MRI Findings in 108 Patients with Idiopathic Normal Pressure Hydrocephalus. AJNR Am J Neuroradiol. 2014 Dec ;35(12):2311–8.
  2. Une présentation précise des critères radiologiques d’hydrocéphalie à pression normale idiopathique.
    Tisell M, Tullberg M, Hellström P, Edsbagge M, Högfeldt M, Wikkelsö C. Shunt surgery in patients with hydrocephalus and white matter changes. Journal of neurosurgery. 2011 ;114(5):1432–8.
    Etude prospective randomisée en double aveugle montrant l’efficacité de la dérivation chez des patients pourtant porteurs de comorbidités.
  3. Proulx ST. Cerebrospinal fluid outflow : a review of the historical and contemporary evidence for arachnoid villi, perineural routes, and dural lymphatics. Cell Mol Life Sci. 2021 Mar ;78(6):2429–57.
    Revue exposant les connaissances actuelles sur la résorption du LCS.

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