1.8.1 Méningites post-opératoires et infections sur dérivations du LCS

Joséphine MALLCZUK, M.D., Evelyne EMERY, M.D., Ph.D., CHU de Caen, Décembre 2021

Questions QCM

1. Quelles sont les réponses vraies ?
a. Les craniectomies sont les procédures neurochirurgicales les plus pourvoyeuses d’infection
b. Le staphylocoque à coagulase négative est la principale bactérie des méningites post opératoires en excluant les DVE
c. Les entérobactéries sont les principales bactéries dans les infections de DVE
d. Plus de 50% des isolats hospitaliers de SCN présentent une résistance
e. Le cefotaxime fosfomycine peut être utilisé en probabiliste

2. Concernant le diagnostic des méningites post opératoires, quelles sont les réponses vraies :
a. Le syndrome méningé est pathognomonique
b. Les signes locaux sont majeurs dans les DVI
c. Les SCN donnent des réactions modérées à la PL
d. Les hémocultures sont rarement positives
e. La méningite chimique est un diagnostic différentiel avec peu de symptômes neurologique et d’ISO.

3. Concernant la microbiologie, quelles sont les réponses vraies
a. Contamination = plusieurs cultures positives ou ED positifs avec cellulaire, glycorachie, protéinorachie normaux et en l’absence de tout signe clinique
b. Colonisation = une culture positive isolée ou un ED positif isolé avec cellularité, glycorachie, protéinorachie normales et pas de signe clinique d’infection
c. L’ARN16S est utilisé en cas d’infection décapitée
d. Les cultures prolongées permettent de mettre en évidence le P aeruginosa.
e. Il n’existe pas de marqueur spécifique de l’aspergillus

4. Concernant les antibiotiques
a. Les aminosides ont une bonne pénétration du LCS
b. Le traitement empirique associe la vancomycine avec une béta lactamine anti pyo
c. En cas de fonction rénale altérée, on peut utiliser le LINEZOLIDE dans les infections à SARM
d. L’Oxacilline est le traitement de référence en cas d’infection à SAMS
e. On peut arrêter une antibiothérapie au bout de 48-72h en cas d’argument pour une méningite aseptique

5. Dans les infections sur shunt :
a. La réimplantation peut se faire dès J3 dans certaines conditions
b. L’antibiothérapie est d’au moins 21 jours
c. En cas de BGN, la réimplantation se fait 10 jours après négativation des cultures
d. L’injection intrathécale s’envisage en cas de bactéries multirésistantes
e. Il faut rajouter la RIFAMPICINE en cas d’infection à gram + sur DVE

MEMENTO

Video : Les méningites postopératoires et la gestion des implants.
Renaud Verdon.

Microbiologie

Les taux d’infections varient selon le type de geste (chiffres en 2018) :

  • Craniectomie : 1-24.4%
  • Craniotomie : 0.3-12%
  • Chirurgie du rachis :
    • Avec matériel <2%
    • Sans matériel 3-7%
  • VCS 2-22%
  • PIC 0.2%
  • DVP 4-17% (adultes), 8% (pédiatrie)

Les principales bactéries des méningites post opératoires en excluant les DVE :

1. Entérobactéries 28% : E Coli, K pneumoniae, Serratia, enterobacter spp, P aeruginosa, acinetobacter spp
2. SCN  : 20%, surtout S epidermidis, cutibacterium acnes
3. Aseptique 15%
4. SARM 13%
5. Streptocoque 12%

Les principales bactéries des infections de DVE :

  • SCN 38%
  • S. Aureus 15%
  • Entérobactéries 14%

Les principales résistances concernent :

  • SARM  : 15-20 % des isolats de S. aureus hospitalier
  • SCN (S. epidermidis) : méti-R, multirésistance > 50 % isolats hospitaliers
  • E. coli (HC) : C3G – R 12 % dont 90 % BLSE (communautaire et nosocomial) :
  • P. aeruginosa MDR 10-15 % (ceftazidime, céfépime, carbapénems touchés)
  • Acinetobacter spp MDR
  • Entérobactéries productrices de carbapénémase (rare ; importation)

Peux t on utiliser le cefotaxime-Fosfomycine en probabiliste ? Impossible ! On remarque 25% à 49% de résistance sur l’ensemble des infections selon les services.

Diagnostic clinique
Présentation clinique :

  • Quand ? Survenue précoce (J1-J7 : 1/ 3 cas ; J7-J14 : 1/3 ; > J14 : 1/3)
  • Signes systémiques ? Faibles ou absents avec SCN, Cutibacterium acnes
  • Localement ? Signes d’ISO : cicatrice inflammatoire, écoulement.
  • Syndrome méningé  ? Difficile à détecter si coma, réanimation et dans le contexte de post opératoire.

Cas des DVI :

Les signes d’infection du SNC sont parfois minimes avec une évolution chronique. On peut constater des céphalées, nausées, une somnolence, une altération des fonctions supérieures, une dysfonction de DVI… On note des signes neurologiques dans 60% et un syndrome méningé dans 50 %. Les signes locaux sur le matériel ne sont présents que dans 50% !

On peut également rechercher les signes liés à l’extrémité distale de la DVI infectée :

  • Péritoine  : douleurs abdominales, péritonite localisée
  • Plèvre  : pleurésie
  • Oreillette droite  : fièvre (78%), asthénie, signes d’endocardite droite, glomérulonéphrite (dépôts IC, C3 et C4)

Examens complémentaires

L’imagerie permet de rechercher les diagnostics différentiels (empyème, abcès, hématome, …). On peut repérer des anomalies en rapport avec méningite ou ventriculite et rechercher une brèche selon les situations. De plus, on vérifie l’absence de contre-indication à une PL.

La PL n’est pas toujours fiable. Une étude prospective d’infections sur DVE (Mayhall CG NEJM 1984) a montré 20% d’infection avec une PL normale et 20% de LCS anormaux malgré l’absence d’infection. La réaction inflammatoire est modérée chez certains micro-organismes  : staphylocoques coagulase négative, Cutibacterium acnes. D’autre part, une hypercellularité, une hypoglycorachie et une hyperprotéinorachie peuvent être dus à la pathologie neurologique sous-jacente ou à la chirurgie récente.
Aucun seuil n’est reconnu comme discriminant pour la cellularité, la protéinorachie, la glycorachie, le rapport glycorachie / glycémie.

Quid des autres marqueurs ?

  • Lactates dans LCS : très sensible et spécifique mais seuil à 4mmol/L avec des faux positifs liés aux hémorragies
  • PCT sang : augmentation limitée, non discriminant
  • PCT LCS : discriminant mais de seuil mis en évidence. Performance améliorée avec l’association aux lactates.
  • Une élévation de la PCT sérique peut être utile pour différencier les anomalies du LCS dues à l’infection bactérienne de celles dues à la chirurgie ou une hémorragie intracranienne (faible, bas)

Gold standard de la microbiologie :

Les hémocultures sont rarement positives (<10%) sauf pour les DVA (80-90%) voir les DVP.

Le LCS nécessite des cultures prolongées (10j) notamment pour Cutibacterium acnes et car l’examen direct n’est positif que dans 10-25%.

L’ARN16s PCR sur régions conservées ARN ribosomal met en évidence un microorganisme dans 50 % des cas avec culture négative notamment lorsqu’il y a une antibiothérapie préalable.

Bêta-D-glucane et galactomannane améliorent l’identification d’Aspergillus spp et Candida spp (b-D-glucane seul). On les utilise en cas d’immunodépression, de méningite survenue sous antibiothérapie large spectre, de tableau grave et sans diagnostic, de méningite sur foyer chronique fongique possible (otite, sinusite).

Comment interpréter la microbiologie pour les DVE ?

  • Contamination = une culture positive isolée ou un ED positif isolé avec cellularité, glycorachie, protéinorachie normales et pas de signe clinique d’infection
  • Colonisation = plusieurs cultures positives ou ED positifs avec cellularité, glycorachie, protéinorachie normaux et en l’absence de tout signe clinique
  • Infection = 1 ou plusieurs cultures positives avec hypercellularité et/ou cellularité croissante et/ou hypoglycorachie et des signes cliniques évocateurs de méningite ou ventriculiteDes valeurs normales du LCS ne peuvent exclure avec fiabilité une infection (faible, modérée)

Une ou plusieurs cultures de LCS positives chez un patient avec pléiocytose et/ou hypoglycorachie, ou une augmentation de la cellularité, et une suspicion clinique indiquent une méningite ou une ventriculite associée aux soins.

Au total, pour faire le diagnostic de méningite - ventriculite associée aux soins (CDC-NHSN (2015)) :

Au moins 1 des 2 critères suivants 1 et 2
1 Germe identifié dans le LCS par culture ou autre technique effectuée à visée diagnostique (≠ surveillance)
2 Au moins 2 critères parmi les 3 critères suivants a, b, c :
a- Fièvre ou céphalées
b- signes méningés
c- atteinte paire crânienne
Et au moins 1 parmi les 4 critères suivants : d, e, f, g :
d- élévation GB, protides, ou diminution glucose dans le CSF
e- ED positif dans LCS
f- HC positive
g- sérologie positive

Traitement antibiotique

Principes généraux :

  • Bonne pénétration des antibiotiques dans le SNC
  • Concentrations adéquates dans le LCS (posologie, voie, modalités administration)
  • Activité bactéricide
  • Avec efficacité sur :
    • Gram positif : staphylocoque coagulase négative (S. epidermidis, autres), S. aureus, Cutibacterium acnes, …
    • Gram négatif : E. coli, Enterobacter spp, Citrobacter spp, Serratia spp, P. aeruginosa,…

Pénétration des antibiotiques dans le LCS

Bonne Moyenne Mauvaise
Rifampicine
Triméthoprime-sulfaméthoxazole Fluoroquinolones
Fosfomycine Métronidazole
Linézolide
Pénicilline G, A C3G
C4G (céfépime) C5G (ceftaroline) Carbapénèmes
Tigécycline
Aminosides Glycopeptides Daptomycine Pénicilline M BL-IBL

Traitement empirique :

Il est important de couvrir les gram + (SARM) et les gram - (P. aeruginosa). Ainsi, il faut instaurer

VANCOMYCINE + BETA-LACTAMINE ANTI-PYO

(choix selon sensibilité de la flore de l’unité ou l’établissement).

En cas d’anaphylaxie aux bêta-lactamines, utilisé L’AZTREONAM ou la CIPROFLOXACINE.

En cas de colonisation à une bactérie multirésistante, on adapte l’antibiothérapie au germe.

Mode d’emploi des antibiotiques :

VANCOMYCINE

  • Dose de charge : 15 mg/kg IV (< 500 mg/h) puis administration continue : 40-60 mg/kg SEIV
  • Objectif Cmin sang= 15-20 mg/L (↑ en F)
  • Effets indésirables : néphrotocixité, toxidermies, veinotoxicité

BETA-LACTAMINE (anti-Pyo)

  • Ceftazidime 2 g x 3/j ou 6 g/j SE IV ou Céfépime 2 g x 3/j ou Meropénem 2 g x 3/j
  • Optimisation possible par perfusion continue ou prolongée
  • Effets indésirables : toxidermie, neurotoxicité (convulsions, confusions, mvts anormaux)

Traitement selon le germe

  • Staphylocoque méti- S : oxacilline IV 2 g x 6 /j IV
  • Staphylocoque méti-R  : vancomycine
    • Si CMI ≥ 1 mg/L : avis spécialisé (linézolide ? )
    • Si fonction rénale altérée : avis spécialisé (linézolide ? )
  • Si staphylocoque rifampicine- S : utilisation en association indiquée dans les infections sur matériel
  • Cutibacterium acnes  : péni G, ceftriaxone, vancomycine
  • BGN C3G-S  : ceftriaxone (2 g x2/j) ou cefotaxime (3 g x 4/j)
  • Pseudomonas  : selon ABG, ceftazidime > cefepime > meropénem.
  • Entérobactérie BLSE + : meropénem
  • Acinetobacter  : meropénem, ou colistine IV et locale si R aux carbapénems

Alternatives à la vancomycine (intolérance, CMI ≥1 mg/L)

LINEZOLIDE  : hors AMM

L’oxazolidinone est un anti-gram +, bactériostatique qui peut être donné Per os et IV. Il a une très bonne diffusion dans le LCS (70 %). Les doses sont de 600 mg x 2 ou 3 /j

Effets indésirables sont l’hématotoxicité, le syndrome sérotoninergique et la neuropathie.

DAPTOMYCINE  : hors AMM

Ce lipopeptide est un anti-gram +, bactéricide avec une mauvaise diffusion 5-10 %. On l’instaure en IV. Les effets indésirables sont la rhabdomyolyse et la pneumonie à éosinophiles (rare).

Alternatives anti-BGN (allergie aux bêta-lactamines)

AZTREONAM :

Bêta-lactamine (cycle monobactam) sans allergie croisée qui a une action anti BGN exclusif et qui doit être mise en place sur ABG uniquement.

CIPROFLOXACINE

Fluoroquinolone ayant la meilleure activité anti-BGN avec une activité anti gram – et gram +. Elle est IV ou per os et doit être mise en place sur ABG uniquement.

Méningites post-craniotomie ou chirurgie médullaire

La méningite chimique, en post-craniotomie, se retrouve principalement lors de chirurgie au niveau de la fosse postérieure, dès J1. Il n’y a pas de signe neurologique ou d’ISO. La température est moins élevée.
Une etude « avant / après » à montrer l’intérêt d’une interruption des AB si la méningite était considérée aseptique avec culture négative à H48-72.

2. Particularité des infections sur shunt

Il est important de retirer le matériel, poser une dérivation externe et monitorer les cultures de LCS (1/j). Concernant l’antibiothérapie, on ajoute de la RIFAMPICINE si il s’agit d’une infection sur DVE ou DVI à gram positif.

Comment utiliser la RIFAMPICINE  ? IV ou per os (à jeun), 10 mg/kg/j tout en étant prudent concernant les interactions médicamenteuses par induction du cytP450. Les effets indésirables sont les troubles dyspeptiques, hépatite, le syndrome arthromyalgique et l’hypersensibilité.

Quelle est la durée des antibiotiques selon la clinique et la biologie ?

Symptômes Eléments Glycorachie Durée
SCN ou C. acnes minimes = ou ↑ = ou ↘ minime 10 j
SCN ou C. acnes présents 10-14 j
S. aureus , BGN 10-14 j (21 j ?)
Cultures + sous tt 10-14 j / dernière
cult +

Quand réimplanter ?

Anomalies LCS Culture LCS sur DVE Réimplantation shunt
SCN ou P. acnes aucune négative pdt 48 h ème
Dès le 3 jour
SCN ou P. acnes présentes négative pdt 48 h Après 7 j AB
SCN ou P. acnes présentes Cultures répétées positives Après 7-10 j tt à partir de négativation
S. aureus ou BGN Après 10 j tt à partir de négativation

Quel est la place du traitement par voie intra-thécale ?

On retient 2 indications :

  • Mauvaise réponse au traitement antibiotique systémique
  • Agents infectieux multirésistants (ex : Acinetobacter MDR, colistine IV et IT)

Elle se fait via la DVE (rarement, réservoir) avec un objectif de concentration ≥ 10-20 x CMI du germe traité. La réinjections est fonction du débit de LCS par DVE et de la concentration

POINTS FORTS

a. Traitement empirique par bithérapie (élargir le spectre) suivie d’une désescalade dès le diagnostic microbiologique.
b. Shunt et DVE :

  • ajout rifampicine anti-gram + ;
  • surveillance LCS ;
  • date de réimplantation fonction du germe, du tableau clinique et de la durée avec culture négative

Points faibles

Difficulté diagnostique : ne pas méconnaître une infection peu symptomatique et ne pas sur-traiter des tableaux non infectieux

Ressources pédagogiques

Les méningites postopératoires et la gestion des implants.
Renaud Verdon.

Réponses aux questions QCM

a, d,
c, d, e
c
b, c, d, e
a, c, d, e

Références commentées

2017 Infectious Diseases Society of America’s Clinical Practice Guidelines for Healthcare-Associated Ventriculitis and Meningitis

Allan R Tunkel 1 , Rodrigo Hasbun 2 , Adarsh Bhimraj 3 , Karin Byers 4 , Sheldon L Kaplan 5 , W Michael Scheld 6 , Diederik van de Beek 7 , Thomas P Bleck 8 , Hugh J L Garton 9 , Joseph R Zunt 10
Une référence indispensable qui fait le tour de la question en reprenant l’ensemble des articles sur le sujet. Une aide à la pratique quotidienne.
Hussein K et al. Management of post-neurosurgical meningitis : a narrative review. Clin Microbiol Infect 2017 ; 23 : 621-8.

Article principal pour le choix des antibiotiques.

Van de Beek D et al. Nosocomial meningitis. NEJM 2010 ; 362 : 146-54

Article permettant de comprendre la place de la PL dans la prise en charge des infections post op.

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