8.2.4. Cordotomies Antérieures.


Jean-Luc BARAT, Clinique Clairval, Marseille, Novembre 2022

Questions

1) En quoi consiste la cordotomie ?
a. La section des faisceaux de Goll et Burdach
b. La section du faisceau spino-thalamique

2) Lors d’une cordotomie la section des faisceaux douloureux est homolatérale.
a. Vrai
b. Faux

3) L’effet de la cordotomie quand est elle efficace perdure plusieurs années.
a. Vrai
b. Faux

4) La cordotomie est indiquée dans les douleurs bilatérales des membres inférieurs.
a. Vrai
b. Faux

5) La cordotomie est indiquée dans les douleurs neuropathiques.
a. Vrai
b. Faux

Memento didactique

L’évolution du concept de la chirurgie de la douleur résulte de la prise en charge multidisciplinaire et des acquisitions récentes. Cela concerne les contrôles neurophysiologiques intrinsèques (du « gate control » aux données moléculaires), les mécanismes d’action des douleurs chroniques (traitement spécifique des douleurs nociceptives et neuropathiques), et la séméiologie des douleurs neuropathiques. De façon logique les méthodes conservatrices et neuroaugmentives ont largement remplacé les techniques « historiques » neuro-ablatives. Cependant du fait des traitements de plus en plus poussés (en particulier oncologiques) cette chirurgie historique retrouve une place dans l’arsenal thérapeutique.
Elle consiste en la section de la voie paléo-spino-réticulo-thalamique, laquelle est responsable de l’intensité douloureuse. Cette voie étant profondément située dans le cordon antéro-latéral médullaire, l’intervention consiste en une interruption de ce cordon qui peut être réalisée de différentes manières (abord direct microchirurgical ouvert, abord percutané avec électrocoagulation). L’objectif est donc d’obtenir une analgésie de l’hémicorps controlatéral au-dessous du niveau de section.
Cette technique est probablement l’une des techniques de chirurgie lésionnelle de la douleur qui a été le plus utilisée. Elle a été imaginée à la fin du XIXe siècle par Schuller et Spiller (2,9,14), puis reprise aux niveaux cervico-thoracique puis cervical haut. Enfin, une méthode percutanée par électrocoagulation a été proposée par Rosomoff en 1965(13).
Les deux techniques de cordotomie antérolatérale les plus utilisées sont :

  • La méthode percutanée : par voie latérale au niveau C1-C2, par guidage radiographique et électro physiologique.
  • La méthode microchirurgicale : par voie interlamaire au niveau cervico-thoracique pour les douleurs de la moitié inférieure du corps, ou encore cervical haut pour les douleurs de la moitié supérieure. Son efficacité est limitée dans le temps, avec un maintien de l’effet antalgique à plus d’un an chez seulement 60% des patients. Ses effets secondaires sont multiples et fréquents : cette intervention expose à des risques de dysautonomie, de troubles respiratoires et génito-sphinctériens du fait de la présence des fibres concernées dans le tractus intermediolateralis. La bilatéralité du geste augmente le risque de troubles génito-sphinctériens, dysautonomiques et respiratoires. Au-dessus de C5 elle expose à une paralysie diaphragmatique homolatérale. La cordotomie pose le problème du niveau de section et de son uni- ou bilatéralité. Le niveau de section doit tenir compte de la hauteur nécessaire à la décussation du faisceau spinothalamique, et de l’abaissement possible du niveau d’analgésie dans les mois suivant l’intervention.

Cette intervention est réservée aujourd’hui au traitement des douleurs d’origine cancéreuse chez des patients dont l’espérance de vie est limitée. Les douleurs de type névralgique, dues à la compression ou à l’étirement des plexus et troncs nerveux sont supprimées par l’intervention, qui entraîne une dissociation thermo-algique dont le niveau est situé quelques métamères en dessous du niveau de la section médullaire. Les douleurs de désafférentation, c’est-à-dire les hypo- ou anesthésies douloureuses, ne sont pas modifiées par l’intervention. D’autre part, lorsque les patients ont pu être suivis à long terme, dans un certain nombre de cas, des douleurs sont réapparues dans le territoire présentant la dissociation thermo-algique, particulièrement au niveau du territoire où siégeaient les douleurs initiales : ces douleurs sont très différentes des douleurs initiales et s’apparentent aux douleurs de désafférentation, c’est-à-dire aux hypoesthésies douloureuses avec dysesthésies. Dans ce cadre, l’intervention n’est plus considérée comme un dernier recours mais doit être envisagée plus rapidement.
La cordotomie par abord postérieur à ciel ouvert : (vidéo)(9-14)
Sous anesthésie générale et décubitus ventral il est effectué une laminectomie T3T4 unilatérale, controlatérale à la douleur. Sous microscope le ligament dentelé est désinséré de son attache durale ce qui permet d’effectuer une délicate rotation de la moelle. La lame butée à 5 mm, tranchant vers l’avant est insérée dans la moelle au ras du ligament dentelé parallèlement à lui. Elle doit ressortir à 2 mm en dedans de l’émergence des racines antérieures. Une coagulation est réalisée à la pince bipolaire.
La cordotomie est une intervention culte de la neurochirurgie fonctionnelle. C’est une intervention précise, basée sur les connaissances neurophysiologiques. Elle procure une analgésie immédiate suffisamment prolongée compte-tenu de l’espérance de vie des patients. Elle n’est pas si compliquée pour un neurochirurgien entrainé à la microchirurgie. C’est une intervention recommandée dans la prise en charge des douleurs cancéreuses dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire.

Réponses
1) b
2) Faux
3) Faux
4) Faux
5) Faux

Références

1. Gybels JM., Sweet WH. Neurosurgical treatment of persistent pain, in Gildenberg PL. (ed). Pain and Headache. 1989 ;11 :303-317
2. Fontaine D, Blond S, Mertens P, et al.
Traitement neurochirurgical de la douleur chronique. Neurochirurgie. 2015 ;61:22-6
3. Jackson MB, Pounder D, Price C, Matthews AW, Neville E. Percutaneous cervical cordotomy for the control of pain in patients with pleural mesothelioma. Thorax. 1999 ;54(3):238–41
4. Kanpolat Y, Ugur HC, Ayten M, Elhan AH. COMPUTED TOMOGRAPHY-GUIDED PERCUTANEOUS CORDOTOMY FOR INTRACTABLE PAIN IN MALIGNANCY : Oper Neurosurg. 2009 ;64:187–94
5. Kanpolat Y, Atalağ M, Deda H, Siva A. CT guided extralemniscal myelotomy. Acta Neurochir (Wien). 1988 ;91(3-4):151–2
6. Mazars G, Pansini A, Chiarelli J. Coagulation du faisceau spino-thalamique et du faisceau quinto-thalamique par stéréotaxie. Acta Neurochir. 1960 ;8:324-326
7. Mazars G. État actuel de la chirurgie de la douleur. Masson. 1976
8. Mullan S, Hekmatpanah J, Dobben G, Beckman F. Percutaneous, intramedullary cordotomy utilizing the unipolar anodal electrolytic lesion. Journal of neurosurgery. 1965 ;22(6):548-553
9. Paillas JE. Nouveau traité de technique chirurgicale. Tome VI. Système nerveux central. Masson,434-439
10. Peragut JC., Amrani F., Sethian M. La tractotomie pédonculaire stéréotaxique dans le traitement de certaines douleurs cancéreuses. Doul Analg. 1989 ;2:97-100
11. Raslan AM, Cetas JS, McCartney S, Burchiel KJ. Destructive procedures for control of cancer pain : the case for cordotomy. Journal of neurosurgery. 2011 ;114(1):155–70
12. Raslan AM. PERCUTANEOUS COMPUTED TOMOGRAPHY-GUIDED RADIOFREQUENCY ABLATION OF UPPER SPINAL CORD PAIN PATHWAYS FOR CANCER-RELATED PAIN. Neurosurgery. 2008 ;62(3):226–34
13. Rosomoff H, Carroll F, Sheptak P. Percutaneous radiofrequency cervical cordotomy technique. Journal of Neurosurgery. 1965 ;639–44
14. Thiébaut JB, D’Hardemare V, Margot-Duclot A, Silhouette B. Cordotomie. Chirurgie de la douleur. Springer-Verlag. 2014 ;373-387
15. Kanpolat, Yücel, Cosmar, Eric R. Special radiofrequency electrode system for computed tomography-guided pain-relieving procedures. Neurosurgery. 1996 ;36:600-603

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