5.1.1 Fistule artério-veineuse crânienne, histoire naturelle, classification

Etienne Lefevre, M.D., neurochirurgie - Hôpital La Pitié-Salptrière, APHP, Paris, octobre 2020

Questions

1. Les afférences artérielles des fistules artério-veineuses durales (FAVD) intracrâniennes proviennent toujours :
A. D’artères à destinée encéphalique,
B. D’artères à destinée extra-encéphalique,
C. D’artères à destinée méningée,
D. De veines lepto-méningées,
E. De veines extradurales.

2. Le risque hémorragique des FAVD intracrâniennes dépends :
A. Du nombre d’afférences artérielles,
B. Du caractère symptomatique de la fistule,
C. De la taille du nidus,
D. Du retour veineux cortical,
E. Du grade de la classification de Cognard et Merlan.

3. Parmi des différentes classifications des FAVD, lesquelles permettent d’évaluer leur risque hémorragique ?
A. Classification d’Aminoff,
B. Classification de Cognard et Merlan,
C. Classification de Hijdra,
D. Classification de Borden,
E. Classification de Spetzler et Martin.

4. Une FAVD peut se révéler par :
A. Une thrombose veineuse,
B. Une hémorragie sous-arachnoïdienne,
C. Un œdème cérébral intra-parenchymateux,
D. Des acouphènes pulsatiles,
E. Une épilepsie 

Memento didactique

1. Angioarchitecture et physiopathologie
Les fistules artério-veineuses durales (FAVD) représentent 10 à 15% des shunts artério-veineux intracrâniens.
Encyclopédie : Fistules artério-veineuses durales intracrâniennes.
Elles constituent un groupe hétérogène de shunt artério-veineux intracrâniens répondant à 3 critères toujours présents :

  • Afférences artérielles provenant toujours d’artères à destinée extra-encéphalique (branche méningées artères extra- ou intracrâniennes)
  • La zone de shunt est située dans l’épaisseur de la dure-mère.
  • Drainage veineux intracrânien au sein d’une veine artérialisée (veine leptoméningée corticale ou sinus veineux dural)
    La physiopathologie des FAVD est mal comprise et controversée mais semble résulter d’une cascade d’évènement secondaires à la thrombose d’un sinus veineux dural.[1] Les parois de ces sinus veineux duraux thrombosés donnent naissance à des vaisseaux reliant les vasa vasorums des artères durales adjacentes à des confluents veineux supplémentaires, entrainant la formation d’une fistule.
    La présentation clinique de ces fistules peut aller du flux turbulent dans les sinus veineux duraux, responsables d’acouphènes pulsatiles, jusqu’à l’hypertension veineuse qui entraine un œdème cérébral, des déficits neurologiques progressifs ou encore des hémorragies intraparenchymateuses ou sous-arachnoïdiennes.
    L’implication ou non des veines corticales dans le retour veineux de ces FAVD, qu’il soit direct ou par reflux veineux depuis les sinus, conditionne l’apparition de manifestations sévères et donc leur traitement. En effet, la paroi des veines corticale leptoméningées est plus fine et moins résistante que celle des sinus veineux intracrâniens. Elle est donc plus à risque de rupture en présence d’un régime de pression artériel du au shunt artério-veineux.

2. Classification et histoire naturelle
La classification de Cognard permet d’évaluer le risque hémorragique et l’histoire naturelle de ces fistules.[2] Une fistule de type I se draine directement dans un sinus veineux et entraine un flux antérograde dans ce dernier. Les fistules de type II sont séparées en type IIa lorsque le drainage se fait directement dans un sinus veineux mais entraine un flux rétrograde au sein de ce dernier et en type IIb lorsque le drainage est antérograde au sein du sinus veineux mais qu’il existe un reflux veineux cortical. En cas de flux rétrograde associé à un reflux cortical, on parle alors de fistule de type IIa+b. Les fistules de type III se drainent directement dans une ou plusieurs veines corticales et les fistules de type IV présentent en plus du drainage veineux cortical direct des ectasies veineuses associées (> 5 mm de diamètre ou 3 fois le diamètre de la veine). Les fistules de type V correspondent à celles qui présente un drainage direct dans les veines périmédullaires.
La classification de Borden s’articule aussi autour de l’implication ou non des veines corticales dans le drainage des fistules et simplifie la précédente.[3] Les fistules de type I présente un flux antérograde dans un sinus dural. Les fistules de type II se drainent aussi dans un sinus dural mais entrainent un reflux veineux cortical. Les fistules de type III se drainent exclusivement dans une ou plusieurs veines corticales.
La classification de Barrow permet de distinguer 4 types de fistules carotido-caverneuses en fonction de leurs afférences.[4,5] Dans le type A, le shunt est direct entre l’artère carotide interne et le sinus caverneux. Les fistules de type B résultent d’un shunt par la rupture d’une branche artérielle de l’artère carotide interne intra-caverneuse. Les fistules de type C résultent d’un shunt par les branches de l’artère carotide externe uniquement. Enfin, les fistules de type D résultent d’un shunt par des branches des artères carotides internes et externes.
Vidéo : Classifications et éléments prédictifs d’agressivité. Laurent Thines, 2018.

Tableau 1 : Principales classifications des fistules durales artério-veineuses

CLASSIFICATION DÉTAIL
COGNARD-LARIBOISIERE[2]
(Évalue le risque hémorragique)

Type I : sinus veineux en iso-courant (41%)
Type II : sinus veineux avec flux rétrograde

  IIa : reflux dans l’amont du sinus, ou dans d’autres sinus (13%)

  IIb : Reflux dans les veines corticales par l’intermédiaire d’un sinus (5%)

  IIa+b : reflux dans un ou plusieurs sinus et dans des veines corticales 9%
Type III : Drainage direct dans une ou plusieurs veines corticales non ectasiques (12%)
Type IV : Drainage direct dans une ou plusieurs veines corticales ectasiques (> 5 mm de diamètre ou 3 fois le diamètre de la veine (14%)
Type V : Drainage direct dans les veines périmédullaires (6%)

BORDEN [3]
(Évalue le risque hémorragique)
Type I : drainage dans un sinus veineux ou une veine méningée en iso-courant
Type II : drainage dans un sinus veineux avec reflux dans une veine leptoméningée
Type III : drainage direct dans une veine leptoméningée corticale ou spinale
BARROW [4,5]
(Fistules carotido-caverneuses)

Type A : Shunt direct avec l’artère carotide interne
Type B : Shunt par la rupture d’une branche carotidienne intra-caverneuse
Type C : Shunt par des branches de l’artère carotide externe.
Type D : Shunt par des branches des artères carotides internes et externes.

Le risque hémorragique des FAVD est d’abord conditionné par l’implication ou non de veines corticales, mais aussi par la localisation anatomique de la fistule.
Vidéo : Histoire naturelle des FAV cérébrales. Thierry Civit, 2018.
Par exemple, les FAVD tentorielles ou ethmoïdales (étage antérieur) présentent un risque hémorragique plus élevé que les FAVD d’autres localisations anatomiques.[6] Pour cause, dans ces localisations anatomiques, les FAVD se drainent presque toujours dans une veine leptoméningée corticale.
En cas de drainage veineux cortical, la présence d’une ectasie veineuse est un facteur de risque hémorragique. Une étude récente de Bulters et al. a évalué l’histoire naturelle de 75 FAVD avec drainage veineux cortical et a analysé spécifiquement l’impact de la présence ou non d’une ectasie veineuse sur le calcul du risque hémorragique.[7] Cette étude retrouvait un risque hémorragique annuel de 13% pour les FAVD avec drainage veineux cortical non traitées. Ce risque était multiplié par 7 en cas d’ectasie veineuse associée (3,5% sans ectasie veineuse, 27% avec ectasie veineuse).
Le caractère symptomatique du drainage veineux cortical influe aussi sur le risque hémorragique au décours des FAVD. Strom et al. ont comparé le risque hémorragique des FAVD Borden type II et III en fonction du caractère symptomatique ou non (hémorragique ou déficit neurologique progressif) de leur drainage veineux cortical.[8] Dans cette étude, les auteurs rapportent un risque hémorragique annuel passant de 1,4% en cas de drainage veineux cortical asymptomatique à 19,0% en cas de drainage veineux cortical symptomatique.

3. Localisations principales
Une grande variété de veines corticales et de sinus veineux crâniens peut être le siège d’une FAVD.

Sinus transverses et sigmoïdes
Les sinus transverses et sigmoïdes sont les sites les plus fréquemment impliqués dans les FAVD.[9] Ils sont souvent responsables d’acouphènes pulsatiles ou de déficit neurologiques progressifs en cas d’implication du retour veineux cortical.

Tente cérébelleuse
Les FAVD situées dans la tente du cervelet présentent une histoire naturelle plus agressive et nécessitent un traitement radical rapide. [10]

Ethmoïdale
Les FAVD ethmoïdales (ou de l’étage antérieure) présentent des afférences artérielles directes des artères ethmoïdales, provenant elles-mêmes des artères ophtalmiques. Elles se drainent généralement dans une veine corticale frontale et sont révélées, le plus souvent, par une hémorragie.[11]

Sinus sagittal supérieur
Les FAVD du sinus sagittal supérieur sont plus rares et impliquent le plus souvent la portion moyenne du sinus avec des afférences artérielles bilatérales. Elles peuvent être révélées par une hémorragie ou par des déficits neurologiques progressifs.

Sinus caverneux
Le sinus caverneux peut, lui aussi, être le siège d’une FAVD. Ces Fistules artério-veineuses du sinus caverneux représente une catégorie à part de FAVD qui impliquent des connexions directes ou indirectes de l’artère carotide interne ou externe avec le sinus caverneux.[5] Elles peuvent être révélées par un chémosis, un ptosis, un souffle orbitaire, une baisse de l’acuité visuelle, des céphalées, une épistaxis ou encore une diplopie. Il convient de distinguer les fistules directes du sinus caverneux, qui résultent d’une perforation de l’artère carotide interne directement dans le sinus caverneux, le plus souvent dans un contexte traumatique ou de rupture d’anévrisme carotidien intra-caverneux, des fistules indirectes du sinus caverneux qui résultent d’un shunt entre une branche durale de l’artère carotide interne et/ou externe et qui sont le plus souvent idiopathiques.
L’objectif du traitement des FAVD est de prévenir un saignement futur ou un re-saignement. Il s’agit donc d’un traitement préventif dont l’indication est conditionnée par l’accessibilité de la lésion (par voie chirurgicale ou endovasculaire) et par son risque hémorragique futur, évalué en préopératoire.

Points forts

  • Les FAVD sont des pathologies qui doivent être prises en charge de manière multidisciplinaire.
  • La pierre angulaire de la prise en charge des FAVD est l’évaluation de son risque hémorragique qui est conditionné par l’implication ou non de veines corticales.
  • Les classifications de Cognard et de Borden sont d’utilisation simple et permettent d’évaluer le risque hémorragique des FAVD.
  • La décision thérapeutique ainsi que les modalités de traitements reposent la bonne compréhension de la physiopathologie et de l’angio-architecture de ces pathologies.

Incertitudes

  • L’origine des FAVD est mal comprise mais semble étroitement intriquée avec des phénomènes de thrombose d’un sinus veineux dural.
  • La thrombophlébite d’un sinus veineux peut être la cause mais parfois aussi la conséquence d’une FAVD.

Réponses

1BC, 2DE, 3BD, 4ABCDE.

Références annotées

1 - Cognard C, Gobin YP, Pierot L, Bailly AL, Houdart E, Casasco A, et al. Cerebral dural arteriovenous fistulas : clinical and angiographic correlation with a revised classification of venous drainage. Radiology 1995 ;194:671–80.
Dans cette large série rétrospective, les FAVD ont été séparées en 5 grands types selon leur type de drainage veineux. Cette classification a permis de déterminer le risque hémorragique de chaque fistule et de d’orienter les décisions thérapeutiques de ces pathologies.

2 - Borden JA, Wu JK, Shucart WA. A proposed classification for spinal and cranial dural arteriovenous fistulous malformations and implications for treatment. J Neurosurg 1995 ;82:166–79.
Cette revue de la littérature propose une classification des FAVD selon le type de drainage veineux et les sépare en trois grandes catégories. Elle permet aussi d’évaluer le risque hémorragique de chaque fistule et d’orienter les décisions thérapeutiques.

3 - Barrow DL, Spector RH, Braun IF, Landman JA, Tindall SC, Tindall GT. Classification and treatment of spontaneous carotid-cavernous sinus fistulas. J Neurosurg 1985 ;62:248–56.
Cette série rétrospective distingue quatre grandes catégories de fistules carotido-caverneuses en fonction de leurs afférences artérielles.

Références

[1] Hamada Y, Goto K, Inoue T, Iwaki T, Matsuno H, Suzuki S, et al. Histopathological aspects of dural arteriovenous fistulas in the transverse-sigmoid sinus region in nine patients. Neurosurgery 1997 ;40:452–6 ; discussion 456-458. https://doi.org/10.1097/00006123-199703000-00005.
[2] Cognard C, Gobin YP, Pierot L, Bailly AL, Houdart E, Casasco A, et al. Cerebral dural arteriovenous fistulas : clinical and angiographic correlation with a revised classification of venous drainage. Radiology 1995 ;194:671–80. https://doi.org/10.1148/radiology.194.3.7862961.
[3] Borden JA, Wu JK, Shucart WA. A proposed classification for spinal and cranial dural arteriovenous fistulous malformations and implications for treatment. J Neurosurg 1995 ;82:166–79. https://doi.org/10.3171/jns.1995.82.2.0166.
[4] Barrow DL, Spector RH, Braun IF, Landman JA, Tindall SC, Tindall GT. Classification and treatment of spontaneous carotid-cavernous sinus fistulas. J Neurosurg 1985 ;62:248–56. https://doi.org/10.3171/jns.1985.62.2.0248.
[5] Ringer AJ, Salud L, Tomsick TA. Carotid cavernous fistulas : anatomy, classification, and treatment. Neurosurg Clin N Am 2005 ;16:279–95, viii. https://doi.org/10.1016/j.nec.2004.08.004.
[6] Awad IA, Little JR, Akarawi WP, Ahl J. Intracranial dural arteriovenous malformations : factors predisposing to an aggressive neurological course. J Neurosurg 1990 ;72:839–50. https://doi.org/10.3171/jns.1990.72.6.0839.
[7] Bulters DO, Mathad N, Culliford D, Millar J, Sparrow OC. The natural history of cranial dural arteriovenous fistulae with cortical venous reflux—the significance of venous ectasia. Neurosurgery 2012 ;70:312–8 ; discussion 318-319. https://doi.org/10.1227/NEU.0b013e318230966f.
[8] Strom RG, Botros JA, Refai D, Moran CJ, Cross DT, Chicoine MR, et al. Cranial dural arteriovenous fistulae : asymptomatic cortical venous drainage portends less aggressive clinical course. Neurosurgery 2009 ;64:241–7 ; discussion 247-248. https://doi.org/10.1227/01.NEU.0000338066.30665.B2.
[9] Chaichana KL, Coon AL, Tamargo RJ, Huang J. Dural arteriovenous fistulas : epidemiology and clinical presentation. Neurosurg Clin N Am 2012 ;23:7–13. https://doi.org/10.1016/j.nec.2011.09.001.
[10] Tomak PR, Cloft HJ, Kaga A, Cawley CM, Dion J, Barrow DL. Evolution of the management of tentorial dural arteriovenous malformations. Neurosurgery 2003 ;52:750–60 ; discussion 760-762. https://doi.org/10.1227/01.neu.0000053221.22954.85.
[11] Spetzler RF, Kalani MYS, Nakaji P. Neurovascular Surgery. 2nd New edition. New York : Thieme Medical Publishers Inc ; 2015.

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