5.2.2 FAVD rachidienne

Catherine Cao, M.D., neurochirurgie, CHU Dijon, décembre 2020

Questions

1. Fréquence de la FAVD rachidienne :
A. 20%
B. 70%
C. 5%
D. 90%
E. 10%

2. Quelle est la classification des fistules artérioveineuses rachidiennes la plus utilisée :
A. Localisation par rapport à la dure mère,
B. Génétique
C. Immunohistochimique
D. De la nature du shunt
E. De la veine impliquée

3. Le traitement de la FAVD rachidienne :
A. Endovasculaire,
B. Microchirurgical
C. Par radiochirurgie
D. Sous Laser Argon
E. Par cryoablationn

Memento didactique

Les FAVD rachidiennes sont des communications anormales entre artères et veines à destinée rachidienne. Article : Fistules artério-veineuses durales intracrâniennes. K. Mourrier. De constitution complexe, ces shunts peuvent se développer dans toutes les enveloppes rachidiennes. L’IRM en a permis une meilleure analyse morphologique de préciser les différents types Vidéo : Malformations vasculaires spinales. Classification & Indications thérapeutiques C. Cao

1. Classification
De nombreuses classifications ont été établies au cours du temps, Takai et al. (1) en ont retracé l’historique et proposent leur propre classification, qui reste d’après eux-mêmes imparfaite car elle ne prend pas en compte le niveau rachidien.
La compréhension de ces classifications des malformations vasculaires spinales n’est pas toujours aisée. La plupart divise les malformations vasculaires spinales en fonction de leurs caractéristiques morphologiques mais cela peut prêter à confusion en raison d’une interprétation subjective de l’artériographie, ou d’une description imprécise. Il faudrait toujours se souvenir que les malformations vasculaires sont des lésions évolutives et dynamiques, dans lesquelles des changements structurels peuvent survenir au gré des variations hémodynamiques locales (thrombose, hémorragie, anévrysme d’hyperdébit).
D’un point de vue génétique, Lasjaunias (2) distingue 3 groupes :

  • les lésions génétiques héréditaires causées par une maladie génétique affectant les cellules germinales vasculaires. Le principal syndrome connu est la maladie de Rendu-Osler-Weber (ou HHT Hereditary Hemorrhagic Telangiectasia) qui est une maladie autosomique dominante s’exprimant par des télangiectasies cutanéo-muqueuses, des MAV du système nerveux central et des fistules artérioveineuses pulmonaires.
  • les lésions génétiques non héréditaires (exemple : mutations somatiques) qui peuvent être en lien avec les métamères, le syndrome de Cobb (spinal arteriovenous metameric syndrome SAMS) affectant le myélomère en entier. Il peut également exister de multiples shunts concernant la moelle, la racine nerveuse, l’os, le tissu sous-cutané et la peau (syndrome de Klippel-Trenaunay, syndrome de Parkes-Weber).
  • les shunts artérioveineux spinaux (SAVS) sporadiques isolés : peut-être correspondent-ils à une expression phénotypique incomplète ? (3)
    Krings (4) propose une classification des malformations vasculaires de la moelle en fonction de la présence ou non d’un shunt, de l’artère nourricière, de l’angioarchitecture de la malformation, du débit du shunt. Sa démarche diagnostique est illustrée par la figure 1.
     
Figure 1. Stratégie diagnostique selon Krings (4)

Figure 1. Stratégie diagnostique selon Krings (4)
 Rodesch (3) quant à lui classe les malformations vasculaires en fonction de leur localisation par rapport à la dure-mère. Cette classification concerne uniquement les shunts, les cavernomes étant des lésions que nous traiterons à part.

Figure 2. Localisation des lésions vasculaires par rapport à la dure-mère et au rachis

Figure 2. Localisation des lésions vasculaires par rapport à la dure-mère et au rachis
Les malformations vasculaires sont donc intra-durales, durales ou extra-durales :
Intra-durales :

  • angiome (MAV) intra-médullaire glomique
  • fistule périmédullaire
    Durales :
  • fistule artérioveineuse durale (FAVD)
    Extra-durales :
  • fistule épidurale
  • angiome (ou hémangiome) du corps vertébral
  • angiome paravertébral

Nous allons voir par la suite pour chacune de ces malformations leur définition, leur angioarchitecture, la physiopathologie et les signes cliniques qui en découlent, ainsi que les méthodes diagnostiques et les moyens thérapeutiques.

2. Malformations vasculaires : angioarchitecture, clinique
1) Lésions intradurales
Environ 20 à 30% de tous les shunts vasculaires spinaux sont des malformations artérioveineuses (MAV) spinales (5). De la même manière que les MAV cérébrales, les MAV spinales sont alimentées par des artères à destinée parenchymateuse, c’est-à-dire au niveau médullaire, par des artères radiculo-médullaires, qui sont en charge de la vascularisation de la moelle. Elles sont drainées par des veines médullaires. Ces shunts à haut débit peuvent être localisés en intra- et/ou en périmédullaire et sont différenciés selon leur angioarchitecture et leur pattern hémodynamique (6) en MAV fistuleuse (fistule périmédullaire), MAV glomique (angiome intra-médullaire) et MAV juvénile (syndrome de Cobb). Nous aborderons cela dans un autre chapitre.

2) Lésions durales : les FAVD
Il s’agit de la plus fréquente des malformations vasculaires spinales, représentant 70% des shunts artérioveineux du rachis (12). La plupart des fistules sont localisées dans la région thoracolombaire ; de multiples fistules chez le même patient sont excessivement rares.
Vidéo : Malformations vasculaires spinales. Classification & Indications thérapeutiques C. Cao

a) Angioarchitecture
Elles sont constituées d’une communication artérioveineuse habituellement unique et de faible calibre siégeant dans l’épaisseur de la dure-mère du rachis (13). D’un point de vue de l’angioarchitecture, il s’agit d’une communication entre plusieurs petites artérioles et un gros collecteur veineux. C’est donc un shunt artériolo-veineux selon la classification de Houdart (7).

Figure 3. Fistule artérioveineuse durale

Figure 3. Fistule artérioveineuse durale

Figure 4. Shunt artériolo-veineux siégeant dans l’épaisseur de la dure-mère, d’après Houdart (7)

Figure 4. Shunt artériolo-veineux siégeant dans l’épaisseur de la dure-mère, d’après Houdart (7)

L’artère nourricière est une artère destinée à la vascularisation dure-mérienne (artère radiculo-méningée). Elle n’a donc pas la morphologie d’une artère radiculo-médullaire (classique « épingle à cheveux »).
Si la communication est dure-mérienne, le drainage veineux est, lui, intra-dural ce qui explique qu’il soit visible sur l’imagerie par résonance magnétique ou la myélographie sous la forme de dilatations vasculaires périmédullaires. Ce drainage emprunte d’abord une veine radiculaire qui rejoint les veines spinales antérieure ou postérieure. A l’état normal, ces dernières drainent le sang veineux du parenchyme médullaire et émergent du fourreau dural de façon étagée pour rejoindre les veines épidurales. Cette sortie épidurale manque toujours dans cette pathologie et les veines spinales artérialisées se drainent sur toute la hauteur du cordon médullaire pour rejoindre, soit vers le haut les veines de la fosse postérieure, soit vers le bas les veines hypogastriques.

b) Physiopathologie
La conjonction d’une communication artérioveineuse et d’une résistance au drainage veineux détermine une hyperpression dans les veines spinales et donc une gêne au drainage du parenchyme médullaire normal entrainant des phénomènes œdémato-ischémiques qui prédominent toujours au niveau du cône. Cette hyperpression veineuse (finalement responsable des lésions du cône) est indépendante du siège de la fistule, ce qui explique que la clinique soit identique, que le shunt siège au niveau thoracique, lombaire ou sacré.

c) Symptomatologie clinique
Le terrain est particulier : la moyenne d’âge est de 60 ans et les FAVD sont exceptionnelles avant 40 ans (14,15). Ceci supporte l’idée qu’il s’agit d’une lésion acquise. Le sex ratio est d’environ 5 hommes pour 1 femme.
Les signes de début sont sensitifs : radiculalgies des membres inférieurs bilatérales ou à bascule de trajet mal défini. L’examen neurologique retrouve un déficit sensitif des membres inférieurs mal systématisé portant sur tous les types de sensibilités. C’est à ce stade que devrait être porté le diagnostic car l’atteinte fonctionnelle est encore mineure. L’évolution est ensuite progressive sur quelques mois avec apparition d’une paraparésie puis d’une paraplégie, de troubles génito-sphinctériens, d’une hypoesthésie globale des membres inférieurs. Le délai moyen entre l’apparition des premiers signes et le diagnostic varie de 12 à 27 mois (14,15).
Fait important, ces fistules durales ne saignent jamais, et si une dégradation rapide de l’état neurologique est parfois constatée, le mécanisme hémorragique n’est pas en cause (13).

3) Lésions extra-durales
Ces malformations vasculaires sont alimentées par des artères intercostales au niveau thoracique, et par des artères lombaires au niveau lombaire.
Ils sont de plusieurs types : les fistules épidurales, les angiomes vertébraux et les shunt artérioveineux paraspinaux (également autre chapitre).

3. Traitement de la FAVD rachidienne
Le traitement d’une fistule durale rachidienne est toujours indiqué car, du fait de son caractère extra-médullaire, l’accès à la fistule est facile et sans risque fonctionnel. Le traitement peut être chirurgical ou endovasculaire mais, dans les deux cas, il a pour but d’occlure le premier centimètre de la veine de drainage de façon à déconnecter la fistule des veines spinales.
L’intervention chirurgicale est réalisée au travers d’une laminectomie limitée à l’étage fistuleux.
Vidéo : MAV Spinales : place de la chirurgie. K. Mourrier, 2018.
La dure-mère est incisée et la veine radiculaire efférente à la fistule est coagulée ou clippée. Cette voie d’abord postérieure autorise un accès facile aux fistules de siège postérolatéral, mais pas aux fistules de siège antérieur qui sont donc traitées en première intention par voie endovasculaire. L’abord chirurgical a le gros avantage d’accéder directement au pied de la veine de drainage, à son émergence de la dure-mère (face intra-durale), ce qui permet une occlusion complète facile.
Le traitement endovasculaire consiste ici à cathétériser l’artère alimentant la fistule puis à l’occlure à l’aide d’une colle cyanoacrylique, seul matériel susceptible d’induire une occlusion durable de la fistule.
Vidéo : MAV Spinale. F. Ricolfi, 2018.
La voie endovasculaire peut être proposée de principe devant toute fistule durale, mais elle est formellement contre-indiquée lorsque la fistule naît du même pédicule que l’artère spinale antérieure car cette dernière pourrait être occluse par une migration erratique du matériel d’embolisation. De plus, une recanalisation de la fistule est possible en cas de traitement endovasculaire, contrairement à la chirurgie.
Quelques mois après le traitement, la réalisation systématique d’une IRM médullaire est recommandée (13) à la recherche d’une disparition de l’hypersignal du cône et d’une artériographie afin de s’assurer de la stabilité de l’exclusion de la fistule.
Le pronostic fonctionnel dépend de l’état neurologique avant traitement (c’est-à-dire de la précocité ou du retard au diagnostic) : si une stabilisation des troubles est toujours obtenue, une amélioration n’est constatée que dans la moitié des cas. Quant au retour à un état normal, il n’est pratiquement jamais obtenu.

Points forts

  • Les FAVD rachidiennes sont d’un pronostic fonctionnel correct
  • Leur diagnostic est difficile parfois à établir
  • Le traitement peut en être endovasculaire ou microchirurgical.

Réponses

1B, 2A, 3AB

Références

1. Takai K. Spinal Arteriovenous Shunts : Angioarchitecture and Historical Changes in Classification. Neurol Med Chir (Tokyo). 15 juill 2017 ;57(7):356‑65.
2. Lasjaunias P. Spinal cord vascular lesions. J Neurosurg. janv 2003 ;98(1 Suppl):117‑9 ; author reply 119-120.
3. Rodesch G, Hurth M, Alvarez H, Tadié M, Lasjaunias P. Classification of spinal cord arteriovenous shunts : proposal for a reappraisal—the Bicêtre experience with 155 consecutive patients treated between 1981 and 1999. Neurosurgery. août 2002 ;51(2):374‑9 ; discussion 379-380.
4. Krings T. Vascular Malformations of the Spine and Spinal Cord  : Anatomy, Classification, Treatment. Klin Neuroradiol. 28 févr 2010 ;
5. Krings T, Mull M, Gilsbach JM, Thron A. Spinal vascular malformations. Eur Radiol. févr 2005 ;15(2):267‑78.
6. Rosenblum B, Oldfield EH, Doppman JL, Di Chiro G. Spinal arteriovenous malformations : a comparison of dural arteriovenous fistulas and intradural AVM’s in 81 patients. J Neurosurg. déc 1987 ;67(6):795‑802.
7. Houdart E, Gobin YP, Casasco A, Aymard A, Herbreteau D, Merland JJ. A proposed angiographic classification of intracranial arteriovenous fistulae and malformations. Neuroradiology. 1993 ;35(5):381‑5.
8. Heros RC, Debrun GM, Ojemann RG, Lasjaunias PL, Naessens PJ. Direct spinal arteriovenous fistula : a new type of spinal AVM. Case report. J Neurosurg. janv 1986 ;64(1):134‑9.
9. Gueguen B, Merland JJ, Riche MC, Rey A. Vascular malformations of the spinal cord : intrathecal perimedullary arteriovenous fistulas fed by medullary arteries. Neurology. juin 1987 ;37(6):969‑79.
10. Mourier KL, Gobin YP, George B, Lot G, Merland JJ. Intradural perimedullary arteriovenous fistulae : results of surgical and endovascular treatment in a series of 35 cases. Neurosurgery. juin 1993 ;32(6):885‑91 ; discussion 891.
11. Spetzler RF, Detwiler PW, Riina HA, Porter RW. Modified classification of spinal cord vascular lesions. J Neurosurg. mars 2002 ;96(2 Suppl):145‑56.
12. Thron A, Caplan LR. Vascular malformations and interventional neuroradiology of the spinal cord. In : Neurological disorders. 2003. p. 517‑28.
13. Houdart E, Chapot R, Boissonnet H, Merland JJ. Fistules artérioveineuses durales rachidiennes. In : Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Neurologie. Elsevier ; 2000.
14. Gilbertson JR, Miller GM, Goldman MS, Marsh WR. Spinal dural arteriovenous fistulas : MR and myelographic findings. AJNR Am J Neuroradiol. déc 1995 ;16(10):2049‑57.
15. Mourier KL, Gelbert F, Rey A, Assouline E, George B, Reizine D, et al. Spinal dural arteriovenous malformations with perimedullary drainage. Indications and results of surgery in 30 cases. Acta Neurochir (Wien). 1989 ;100(3‑4):136‑41.

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