10.1.3.5 Le nerf tibial

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Questions VRAI/FAUX
1) Le nerf tibial, branche terminale du nerf sciatique, naît au niveau de la fosse poplitée dans son angle inférieur.
2) Parmi ces branches collatérales, on retrouve la branche sensitive nommée nerf cutané sural médial qui participe à la formation du nerf sural.
3) Il peut être retrouvé dans les syndromes canalaires puisqu’il chemine sous l’arcade du muscle soléaire, ce dernier pouvant le comprimer.
4) Lors de la percussion de l’arcade sur muscle soléaire, il est possible de déclencher des paresthésies réveillant la douleur aussi appelée signe de Tinel.
5) Sur le plan moteur, on peut retrouver une amyotrophie des muscles de la loge antérieure de la jambe.
Données morphologiques
Le nerf tibial est un nerf mixte qui constitue la branche terminale médiale et principale du nerf sciatique. Il innerve les muscles de la loge postérieure de la jambe et la face plantaire du pied, en passant derrière la malléole médiale.
Origine
Le nerf tibial est la branche terminale la plus volumineuse du nerf sciatique. Il est constitué des mêmes racines que ce dernier : L4, L5, S1, S2 et S3 (Figures T1, T2). Il naît au niveau de la fosse poplitée, dans son angle supérieur. Il répond alors latéralement au nerf fibulaire, branche terminale latérale du nerf sciatique (Figure T2).
Trajet
Il descend verticalement dans la fosse poplitée, médialement à la veine puis à l’artère poplitée (Figures T3, T4, T5). Ce pédicule vasculo-nerveux est cloisonné par une chape musculaire (Figure T3). Celle-ci forme un losange délimité par :
- en haut et médialement, les muscles semi-tendineux et semi-membraneux ;
- en haut et latéralement, le muscle biceps fémoral ;
- en bas et médialement, le muscle gastrocnémien médial ;
- en bas et latéralement, le muscle gastrocnémien latéral.
Le nerf tibial pénètre ensuite dans la loge postérieure de la jambe, en passant en avant de l’arcade du soléaire pour se plaquer contre la membrane interosseuse, en formant le paquet vasculo-nerveux tibial postérieur (Figure T5). Il répond en arrière et en haut de cette région au muscle soléaire, au fascia crural en bas et, en avant, successivement au muscle tibial postérieur et au long fléchisseur des orteils.
À la cheville, le nerf tibial se place en dedans du tendon calcanéen, puis sous les vaisseaux tibiaux postérieurs, derrière la malléole médiale (Figure T6).
À ce niveau, le pédicule vasculo-nerveux est entouré en avant par le tendon du muscle long fléchisseur des orteils et en arrière par le tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux. Ces deux tendons et le pédicule tibial postérieur sont maintenus à la cheville par le rétinaculum des fléchisseurs. Celui-ci s’insère en haut sur la malléole médiale du tibia et en bas sur la face médiale du calcanéus (Figures T7, T8).
Dans la partie inférieure de ce sillon, le nerf tibial se divise en deux branches terminales, les nerfs plantaires médial et latéral.
Rapports vasculo-nerveux
Dans la fosse poplitée, le nerf tibial répond médialement aux vaisseaux poplités, en étant un peu plus superficiel car ces derniers sont contre la face postérieure du plateau tibial et y répondent par l’intermédiaire du muscle poplité (Figure T5). À la jambe, le nerf tibial se place en arrière et latéralement par rapport à l’artère tibiale postérieure et à ses veines. Sous la malléole médiale, le nerf tibial répond au-dessus à l’artère tibiale postérieure (Figure T6).
Données morphologiques au mollet et à la cheville


Données morphologiques - Rapports vasculo-nerveux
Données morphologiques au pied


Données morphologiques - synthèse
Branches collatérales
Le nerf tibial donne plusieurs types de branches collatérales (Figure T2) :
- des branches musculaires pour les muscles qu’il innerve : soléaire, plantaire, chefs médial et latéral du muscle gastrocnémien, muscle poplité, tibial postérieur, long fléchisseur des orteils, long fléchisseur de l’hallux (Figure T4) ;
- des branches articulaires destinées à la face postérieure du genou et à la face médiale de l’articulation tibio-tarsienne ;
- des branches sensitives destinées à l’innervation des téguments (Figures T4, T9).
Parmi les branches sensitives, une branche remarquable est le nerf cutané sural médial. Celle-ci peut rejoindre une branche latérale ou fibulaire pour former le nerf sural (Figure T4). Ce nerf descend en longeant latéralement le tendon calcanéen pour innerver le bord latéral du pied par sa branche terminale, le nerf digital dorsal latéral du 5e orteil. Il peut également se diviser en trois nerfs digitaux dorsaux, pour innerver la face dorsale et latérale du IV, la face médiale et latérale du V.
Branches terminales
Sous la malléole médiale, en arrière du rétinaculum des fléchisseurs, le nerf tibial se divise en nerf plantaire médial et latéral (Figure T8). Les nerfs plantaires passent ensuite dans la région plantaire, où ils sont d’abord recouverts par le muscle abducteur de l’hallux et le court fléchisseur des orteils (Figures T7, T8). Entre les deux nerfs se trouvent les artères plantaires médiale et latérale. La première croise en distalité le nerf plantaire médial, par le dessus.
Le nerf plantaire médial se dirige en avant et latéralement sous les tendons du muscle long fléchisseur des orteils (Figures T7, T8). Il décoche trois branches musculaires pour les muscles abducteur de l’hallux, court fléchisseur des orteils et court fléchisseur de l’hallux qu’il innerve ; puis les nerfs digitaux plantaires médiaux et latéraux de l’hallux et des orteils II, III et IV. L’innervation du IV peut être partiellement assurée par le nerf sural.
Le nerf plantaire latéral se dirige en avant et latéralement. Il est croisé en-dessous par l’artère plantaire latérale qui se place latéralement. Il est recouvert au-dessus par le muscle carré plantaire, qu’il innerve, et en-dessous par le muscle court fléchisseur des orteils. Au niveau du 5e métatarsien, le nerf plantaire latéral se divise en ses deux branches terminales, superficielle et profonde :
- la branche superficielle se porte en avant et donne : des branches musculaires pour les muscles court fléchisseur, opposant et abducteur du V ; et des branches cutanées pour la face plantaire latérale du V et le 4e espace interosseux avec le 4e nerf digital plantaire commun ;
- la branche profonde est plus médiale et se porte en avant pour innerver les muscles des espaces interosseux plantaires : les muscles lombricaux, interosseux plantaires, dorsaux et l’adducteur du I.
Fonction motrice
Le nerf tibial assure, par ses branches collatérales et terminales, l’innervation de l’ensemble des muscles de la loge postérieure de la jambe (FiguresT4, T9) : tibial postérieur, long fléchisseur des orteils, long fléchisseur de l’hallux ; ainsi que de la face plantaire du pied : court fléchisseur des orteils, lombricaux, interosseux plantaires, court fléchisseur du V, opposant du V, abducteur du V et adducteur du I. Il est donc responsable de l’adduction, de l’inversion, de l’éversion et de l’extension du pied, de la flexion, adduction et abduction des orteils.
Fonction sensitive
La fonction sensitive du nerf tibial est assurée par ses branches terminales, les nerfs plantaires médial et latéral, et par la branche tibiale du nerf sural (Figure T9).
Le nerf sural innerve la partie inférieure de la face postéro-latérale de la jambe, sous les territoires du nerf cutané postérieur de la cuisse et du nerf cutané sural latéral. Ce territoire se prolonge jusqu’au bord latéral du pied et au 5e orteil.
Les nerfs plantaires assurent l’ensemble de l’innervation sensitive de la face plantaire du pied. La séparation entre leurs territoires se situe généralement au niveau du 4e orteil. Cette répartition est semblable à celle qui est faite pour l’innervation de la face palmaire de la main, entre les nerfs médian et ulnaire.
Anastomoses
L’anastomose la plus constante est celle formée par le nerf cutané sural médial avec sa branche homologue en provenance fibulaire pour former le nerf sural.
Données morphologiques - coupes
Données morphologiques - IRM
Pathologies
Syndrome du solaire
À la jambe, le nerf tibial chemine sous l’arcade du muscle soléaire. Cette arcade peut comprimer le nerf tibial dans différentes circonstances. Il s’agit alors d’un véritable syndrome canalaire.
Étiologie
Compression : ce syndrome canalaire est donc provoqué au niveau de la face postérieure de la jambe. Cependant, une compression canalaire pure est rare et il est important de rechercher une autre cause grâce à une imagerie appropriée (échographie ou IRM), notamment la présence d’un kyste synovial articulaire, voire d’une tumeur (Figure T14).
Signes cliniques
- Signes sensitifs : le patient se plaint d’une douleur transfixiante naissant en haut de la face postérieure de la jambe. On peut retrouver un signe de Tinel au niveau de l’arcade du muscle soléaire, réveillant la douleur. Celle-ci peut être augmentée par une flexion du pied sur la jambe, mimant un signe de Homans (le diagnostic différentiel étant la thrombose veineuse profonde). Une hypoesthésie sur le territoire du nerf tibial s’installe, sans concerner le territoire du nerf sural. Elle concerne ainsi un triangle à sommet supérieur fusant vers le bas du mollet, le talon et la plante du pied.
- Signes moteurs : aux déficits précédemment décrits s’ajoute une dénervation des muscles de la loge postérieure de la jambe, pouvant conduire à l’amyotrophie. Précocement, le patient ne peut plus se tenir debout sur la pointe des pieds. Le réflexe achilléen est ensuite aboli et, à terme, comme mentionné ci-dessus, une amyotrophie de la loge postérieure de la jambe peut s’installer.
Examen complémentaires
- L’électroneuromyogramme est peu contributif dans le cadre d’un syndrome canalaire pur.
- L’IRM est l’examen de choix pour rechercher une cause compressive extrinsèque.
Traitement
En l’absence d’élément compressif accessible à un traitement étiologique, il est conservateur avec un repos au lit et un travail de posture pour isoler des attitudes antalgiques, de la kinésithérapie... Si une compression avérée du nerf tibial est mise en évidence, l’arcade du muscle soléaire est sectionnée s’il s’agit d’un syndrome canalaire pur tandis qu’un geste d’exérèse chirurgicale sera la règle si une lésion compressive est objectivée sur l’imagerie.

Syndrome du tunnel tarsien
Il est au membre inférieur l’équivalent du syndrome du canal carpien, mais bien moins fréquent.
Le nerf tibial passe sous la malléole médiale, dans le rétinaculum des fléchisseurs, accompagné des artères et veines tibiales postérieures. Il se divise en général à ce niveau en deux branches, les nerfs plantaires médiaux et latéraux. Dans ce tunnel, les vaisseaux sont superficiels par rapport au nerf et on parle de véritable gouttière.
Étiologie
Il s’agit d’un véritable syndrome canalaire où le nerf tibial est comprimé. Des facteurs traumatiques peuvent être favorisants tels qu’une déformation post-traumatique, une pratique sportive trop intensive ou encore un processus expansif endocanalaire.
Signes cliniques
- Signes sensitifs : la douleur, les paresthésies, voire les sensations de pied « en feu » (Figure T15) intéressent la plante du pied et/ou le talon. Ces territoires correspondent à l’atteinte des nerfs plantaires médial et latéral. Ces sensations sont parfois remplacées par un engourdissement, avec recrudescence nocturne des symptômes. Le patient laisse pendre le pied hors du lit, avec comme position antalgique une position en varus. Les douleurs peuvent être réveillées par un signe de Tinel sous la malléole médiale. Une hypoesthésie peut être retrouvée au niveau de la plante des pieds. Le diagnostic différentiel doit éliminer une douleur artéritique. En cas de division haute du nerf, le territoire de la douleur peut se limiter au talon ou même l’épargner.
- Signes moteurs : le nerf tibial innerve l’ensemble des muscles de la face plantaire du pied. Tardivement, un déficit peut survenir dans l’extension des orteils, la flexion du pied et son inversion. Une parésie des muscles intrinsèques du pied peut parfois exister.
Formes cliniques
Le bilan plus global doit rechercher des antécédents de micro- ou macro-traumatismes, de ténosynovite, de polyarthrite rhumatoïde, d’insuffisance rénale dialysée, de thrombose veineuse, de varices etc., tous éléments étant susceptibles d’avoir un rôle étiologique et pouvant bénéficier d’un traitement spécifique.
Examen complémentaires
- L’électroneuromyogramme confirme le plus souvent le diagnostic, tandis que l’Écho-Doppler élimine une pathologie vasculaire, en cas de doute persistant.
- Les radiographies permettent d’évaluer l’environnement osseux.
- L’IRM peut être pratiquée dans la recherche de pathologies associées et plus particulièrement d’une pathologie intrinsèque du nerf (tumeur, lésion kystique intraneurale, etc.) ou d’une anomalie musculaire (Figure T15).
Traitement
Le traitement conservateur inclut des infiltrations locales. Il dépend de la présence éventuelle d’un facteur déclenchant. Le traitement chirurgical donne les meilleurs résultats : 98 % de bons ou excellents résultats à un an, avec moins d’1 % de récidive s’il s’agit d’un syndrome canalaire pur. La chirurgie consiste à fendre le rétinaculum à la face interne de la malléole pour libérer le nerf (Figure T16).


Réponses
1) Faux - angle supérieur.
2) Vrai
3) Vrai
4) Vrai
5) Faux - loge postérieure de la jambe.
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